L'Actu Citoyenne

Clément Viktorovitch démasque la mascarade de l'exécutif sur les fameux « blocages »


SOCIAL | Publié le 16 octobre 2022

Clément Viktorovitch intervenait lors de l'émission « Quotidien » diffusée sur TMC ce mercredi 12 octobre 2022.

« Victimes collatérales, blocages, les mots sont lancés »

Clément Viktorovitch : « Les salariés des raffineries Total et Esso sont en grève. Ils demandent des augmentations de salaire. La France, elle, fait face à une pénurie d'essence. Et pour le gouvernement, c'est évidemment une situation inadmissible. » Olivier Véran : « La CGT continue, à l'heure à laquelle je vous parle, à appeler à bloquer. Nous considérons que cela est excessif. » Élisabeth Borne : « On a beaucoup de Françaises et de Français qui sont pénalisés par ces grèves. » Olivier Véran : « Là, ce sont l'ensemble des Français qui sont pénalisés. » Bruno Le Maire : « Vous avez des millions de nos compatriotes qui aujourd'hui sont les victimes collatérales de ces blocages. » Clément Viktorovitch : « Victimes collatérales, blocages, les mots sont lancés. Après plusieurs jours passés à tergiverser, il faut le dire, hier, le gouvernement a finalement arrêté sa décision. » Élisabeth Borne : « J'ai demandé au préfet d'engager, comme le permet la loi, la procédure de réquisition des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts de cette entreprise. » Clément Viktorovitch : « Et voilà, une partie des ouvriers sont donc réquisitionnés. Ils devront se remettre au travail sous peine de lourdes sanctions. »

« C'est simple, il l'a poliment demandé »

Clément Viktorovitch : « Alors, évacuons tout de suite le fond du problème, ces grèves sont-elles injustifiées, comme le prétendent à la fois Total et Esso ? Eh bien, c'est délicat. C'est vrai que les ouvriers de ces raffineries ne sont pas les moins bien lotis en termes de salaires, c'est vrai. C'est vrai aussi qu'ils ne sont pas les moins exposés aux risques sanitaires. Par ailleurs, oui, certes, des négociations salariales étaient déjà prévues de toute façon en novembre prochain. Pourquoi faire la grève alors ? Eh bien parce que, en même temps, les pétroliers ont déjà réalisé des profits records et ils auraient pu ouvrir les discussions un peu avant. Alors, grève légitime ou pas ? Au fond, chacun jugera. Moi, ce qui m'intéresse, c'est évidemment la position rhétorique du gouvernement. Parce que, regardons les choses en face, il n'y aurait probablement pas eu de grèves si les entreprises concernées avaient augmenté les salaires en même temps que l'inflation. Or, qu'a fait le gouvernement pour inciter les entreprises à augmenter les salaires ? Eh bien, c'est simple, il l'a poliment demandé. » Bruno Le Maire : « J'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que toutes les entreprises qui ont la possibilité d'augmenter les salaires doivent augmenter les salaires. » Clément Viktorovitch : « Alors en effet, ce n'est pas la première fois que Bruno Le Maire formule une telle demande. Il l'a répété à maintes reprises depuis le début de la crise énergétique. »

« Quand on a besoin de répéter la même demande année après année, on peut commencer à s'interroger sur l'efficacité d'une telle demande »

Bruno Le Maire : « Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter leurs salariés. / Que vous, vous garantissiez à vos salariés des rémunérations meilleures. / Les entreprises qui peuvent augmenter les salaires doivent augmenter les salaires. / Doivent augmenter les salaires. / Augmenter les salaires. » Clément Viktorovitch : « Et puis bon, en fait, tout ça, il le demandait déjà bien avant la crise. » Bruno Le Maire : « Il faut des augmentations de salaire. / Je vous le dis, les entreprises doivent garantir un meilleur partage de la valeur. » Clément Viktorovitch : « Et plus généralement, Bruno Le Maire passe son temps à demander des trucs aux entreprises. » Bruno Le Maire : « J'ai demandé un certain nombre d'efforts aux entreprises. / Et je demande à Air France qu'il n'y ait pas de départ forcé. / Je ne saurais trop vous inciter à utiliser la prime PEPA. / Et j'appelle toutes les PME, tous les entrepreneurs, à verser de l'intéressement à leurs salariés. » Clément Viktorovitch : « Voilà, alors, bien sûr, c'est, par définition, quand on a besoin de répéter la même demande année après année, peut-être, éventuellement, on peut commencer à s'interroger sur l'efficacité d'une telle demande. Et, oui, je sais, ce n'est pas le gouvernement qui fixe les salaires, d'accord, mais il pourrait quand même faire une ou deux petites choses, le gouvernement. »

« Aux yeux du libéralisme, tous les acteurs sont égaux, mais certains le sont peut-être quand même un peu plus que d'autres »

Clément Viktorovitch : « Par exemple, convoquer une grande conférence salariale dans les branches qui profitent de la crise, ça c'est tout à fait possible. Ou alors, conditionner une partie des aides publiques à l'augmentation des salaires, pourquoi pas ? On pourrait l'imaginer. Ou même, l'arme suprême, l'indexation générale des salaires sur les prix, ça existe, ça existe aujourd'hui en Belgique. La France l'a fait pendant 30 ans, entre 1952 et 1982. Alors, sont-ce de bonnes idées ? Sont-ce de mauvaises idées ? Ça aussi, on peut en discuter. Mais ce qui est sûr, c'est que Bruno Le Maire pourrait, s'il le voulait, faire autre chose que, poliment, " demander " une augmentation des salaires. Pourquoi alors ne le fait-il pas ? Eh bien c'est simple, parce qu'il adhère à l'idée libérale qu'il faut laisser le marché du travail se réguler de lui-même, et c'est son droit le plus absolu. C'est une position qui est tout à fait cohérente. Du moins, elle pourrait l'être si, dans le même temps, le gouvernement ne venait pas de décider cette fameuse réquisition, c'est-à-dire, concrètement, l'utilisation des moyens publics de l'État pour intervenir dans un conflit salarial privé. Comme quoi, aux yeux du libéralisme, oui, tous les acteurs sont égaux, mais certains le sont peut-être quand même un peu plus que d'autres. »