Les plus riches des Français paient moins d'impôts ?
Yves Calvi et François Lenglet se sont penchés récemment sur un sujet épineux : la réalité de l'impôt payé par les Français les plus riches. Les résultats d'une étude réalisée par l'Institut des politiques publiques (IPP) ont révélé quelques surprises à ce sujet.
L'IPP est un organisme réputé pour ses travaux rigoureux. Dans cette étude sans précédent, ils ont analysé toutes les données fiscales d'une année en France, soit environ 37 millions de foyers fiscaux. Ces données anonymisées ont permis d'identifier toutes les sources de revenus, allant des salaires aux dividendes, et de calculer un taux global d'imposition.
Pour une grande majorité des Français, les revenus proviennent essentiellement des salaires. Pourtant, pour les ménages très aisés, les revenus principaux proviennent des dividendes d'entreprises dont ils sont propriétaires ou actionnaires. L'IPP a dû collecter ces informations pour dresser une carte complète des revenus de tous les Français en 2016 et calculer le taux d'imposition réel.
Les résultats de cette étude sont pour le moins surprenants. Pour les 10 % de Français les plus aisés, déclarant plus de 52 000 € de salaire annuel en 2016, le taux de prélèvement était de 30 %, en additionnant l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales. Pour les 1 % les plus riches, qui déclaraient plus de 135 000 €, le taux montait à 38,5 %.
En resserrant encore plus la focale sur les 0,1 %, soit un Français sur 1000 déclarant plus de 390 000 € par an, le taux d'imposition atteignait 46 %. Jusque-là, on pourrait penser que plus un individu est riche, plus son taux d'imposition est élevé. Mais les choses se compliquent lorsqu'on regarde le sommet de la pyramide des revenus.
Étonnamment, les taux d'imposition ne continuent pas à augmenter. Pour les 10.000 Français les plus riches, représentant 0,01 % de la population et déclarant plus d'1,4 million d'euros, le taux d'imposition n'est que de 41 %, soit moins que les catégories précédentes. Si l'on affine encore plus, les 75 Français les plus fortunés, déclarant en moyenne 36 millions d'euros par an, ne paient que 26 % d'impôts et de cotisations sociales.
En d'autres termes, plus on grimpe dans la pyramide des revenus, moins le taux d'imposition est élevé. Ceci s'explique par le fait que les revenus très élevés proviennent essentiellement de dividendes, qui sont moins taxés que les salaires.
Il ressort donc de cette étude que le système fiscal français, loin d'être progressif, est en réalité régressif. Il prend proportionnellement plus aux "petits riches" qu'aux "gros riches". Cette caractéristique n'est pas propre à la France ; la plupart des pays présentent ce phénomène. Warren Buffet, milliardaire américain, expliquait récemment qu'il payait moins d'impôts que sa secrétaire.
Cette situation s'explique en partie par les politiques fiscales menées depuis 30 ans. Les impôts des entreprises ont été diminués pour favoriser la compétitivité du pays, tandis que ceux des particuliers n'ont pas baissé. En conséquence, ceux qui perçoivent une grande partie de leurs revenus via les dividendes des entreprises qu'ils possèdent sont favorisés. Ces découvertes soulèvent des questions importantes sur l'équité de notre système fiscal et sur la nécessité de le réformer pour garantir une distribution plus juste de la charge fiscale.