POLITIQUE
Publié le 03 septembre 2022
« On nous prend pour des imbéciles ! » Choqué par cette pratique, ce journaliste fustige l'industrie agroalimentaire
Eliot Deval intervenait lors de l'émission « Soir Info » diffusée sur CNews ce vendredi 2 septembre 2022.
« Les consommateurs ne sont pas au courant de cette pratique »
Eliot Deval : « On va parler de l'inflation masquée. En clair, pour ne pas augmenter le prix dans les rayons et risquer de faire fuir les clients pour leur portefeuille, certains industriels réduisent la quantité des produits. C'est-à-dire qu'une bouteille d'eau que vous achetiez normalement 1,5 litre à 0,25 €, maintenant c'est 0,25 € pour 1,15 litre. Mais vous ne voyez pas la différence, sauf si vous êtes très attentif. Donc, Qin Sun, qui est notre reporter, est allé sur le terrain. Et elle est allée voir s'il y avait, effectivement, ces inflations masquées. Philippe Guibert, juste avant la publicité, disait : " Ce n'est pas de l'inflation masquée, ça s'appelle une arnaque. " » Qin Sun : « En faisant nos courses, les offres promotionnelles sont bien visibles et alléchantes. Mais pour masquer la hausse des prix, certains industriels diminuent la quantité des produits, comme pour cette bouteille d'eau. Elle est passée de 1,25 à 1,15 litre, soit moins 8 %. Le prix a en revanche augmenté de 15 % dans certaines surfaces. Devant cet hypermarché de hard discount, les consommateurs ne sont pas au courant de cette pratique, pourtant légale. » Une cliente : « Je n'ai pas fait attention. J'ai payé 50 € en plus que le mois dernier. »
« C'est un peu une arnaque, non ? »
Une seconde cliente : « Je prends ce qu'il y a dans les rayons et sans faire vraiment attention aux volumes. Ce n'est pas moi qui fabrique les produits, donc je subis en fait, comme beaucoup de gens. » Qin Sun : « Autre exemple, la boîte de fromage fondu. Chaque carré est passé de 20 g à 18 g. Le prix, plus 11 %. Scrutez davantage les étiquettes, car la différence est à peine visible. Ce sirop de grenadine est passé de 75 à 60 centilitres. Les acheteurs, eux, se sentent floués. » Un client : « C'est un peu de l'escroquerie. » Un autre client : « C'est un peu une arnaque, non ? C'est un peu... On se fait un peu avoir. » Un troisième client :« C'est un petit peu vicieux. Il n'y a pas d'augmentation de prix, mais en fait, on en donne moins pour le même prix. » Une cliente : « À chaque fois, le consommateur se fait léser. » Qin Sun : « Dépenser plus pour acheter moins. Dans un contexte où l'inflation est au sommet à 5,8 % sur un an, selon l'Insee. » Eliot Deval : « Mais il faut enlever le point d'interrogation, c'est une grande arnaque. C'est une affirmation en fait, Philippe Guibert ? »
« Là on nous prend pour des imbéciles ! »
Philippe Guibert : « Ah oui, c'est particulièrement vicieux, comme le disait la personne. » Eliot Deval : « Il était plutôt gentil, il a dit : " C'est un petit peu vicieux. On me prend un petit peu pour un imbécile. " Non, là on nous prend pour des imbéciles ! » Philippe Guibert : « Oui, parce que les produits ont la même apparence que d'habitude. Donc vous revenez de vacances, vous faites vos courses au supermarché et vous n'allez pas regarder l'étiquette pour voir si ça a diminué, si ce n'est plus la même quantité, s'il y a le même nombre de produits dans la boîte, donc c'est particulièrement pervers. Alors je suis étonné que ça soit tout à fait légal. Mais d'après votre reportage... » Raphaël Stainville : « C'est une directive européenne. » Philippe Guibert : « Alors si c'est une directive européenne, c'est vraiment tout à fait génial... » Raphaël Stainville : « Les seuls produits qui ne sont pas soumis, qui n'ont pas la possibilité d'adopter ce genre de pratiques, ce sont tous les vins et spiritueux. »
« On est quand même confronté à un phénomène de gens qui profitent littéralement de la crise »
Nathan Devers : « Ce ne serait pas de l'arnaque si les entreprises cherchaient juste à rentrer dans leurs frais. À se dire : le prix du plastique augmente, nous allons diminuer, on ne le montre pas trop au consommateur, mais c'est ainsi. Mais là, ce qu'on sait, c'est que cette inflation masquée, elle a pour effet, pour beaucoup d'entreprises, d'augmenter leurs marges, d'augmenter leurs bénéfices. Donc on est quand même confronté à un phénomène de gens qui profitent littéralement de la crise, à une sorte de ruse du capitalisme où, face à un temps où tout le monde perd en pouvoir d'achat, où il y a une forme, quand même, de précarisation qui est collective et qui touche même les classes moyennes et même parfois des gens qui ont des revenus assez aisés, eh bien, vous avez quelques entreprises comme ça qui sautent sur l'occasion et qui s'en frottent les mains. »