SANTÉ

Publié le 28 janvier 2021

Témoignage glaçant: Comment les scientifiques manipulent des virus pour leur permettre d'infecter l'homme ?

En 2016, Caroline Tourbe explique à Jérôme Bonaldi sur la chaine Science & Vie, sa visite dans un laboratoire P3 des États-Unis.

«Ils ont modifié son patrimoine génétique pour lui permettre d'infecter plus facilement les humains»

Jérôme Bonaldi: «On est heureux de vous accueillir, Caroline Tourbe, Quoique là, le titre de votre article, c'est : " On est allé à la rencontre du virus le plus dangereux du monde " . C'est quoi ce virus le plus dangereux du monde ? C'est un super Ebola ?» Caroline Tourbe: «Non, non. C'est ni Ebola, ni le virus responsable de la fièvre de Marbourg ou d'autres maladies dont on entend parler, qui sont des maladies terribles avec des virus épouvantables. Celui-ci, c'est un virus qui est plus simple, a priori, c'est le virus de la grippe.» Jérôme Bonaldi: «La grippe, c'est banal la grippe.» Caroline Tourbe: «Oui, je vous vois sceptique mais la grippe, ça a quand même provoqué des ravages en 1918. La grippe espagnole, on le sait, a tué des millions et des dizaines de millions de personnes dans le monde. Et chaque année, c'est un virus qui revient et qui a de grandes facilités à infecter les êtres humains. La base de ce virus, le plus dangereux du monde, c'est la grippe aviaire c'est un H5N1. Et dans ce virus-là, les chercheurs sont intervenus, ils ont modifié son patrimoine génétique pour lui permettre d'infecter plus facilement les humains. La grippe aviaire, comme le nom l'indique, c'est un virus de la grippe pour les oiseaux. Il passe facilement d'un oiseau à un autre. Mais chez nous, c'est difficile d'attraper la grippe aviaire, il faut vraiment côtoyer beaucoup le virus.»

«Il a été manipulé pour pouvoir être transmis facilement aux humains»

Jérôme Bonaldi: «Et celui que vous avez vu là, il passe facilement ?» Caroline Tourbe: «Voilà, on l'a manipulé. Il a été manipulé pour pouvoir être transmis facilement aux humains. Alors pour l'instant, aucun humain n'a été infecté par le virus de la grippe aviaire, qui pourrait donc cumuler une mortalité extrêmement importante, la létalité du virus est monstrueuse, et une énorme contagiosité, ces deux réunis là, pour l'instant aucun humain n'a été contaminé, mais ce qu'on sait, c'est que désormais, des petits animaux qu'on appelle les furets qui sont utilisés en laboratoire, ce sont des modèles animaux, et bien voilà, ils sont très fiables. Si le furet attrape le virus de la grippe, ce virus là, à tous les coups, les humains peuvent l'attraper.» Jérôme Bonaldi: «Et là le furet ?» Caroline Tourbe: «Et bien le virus de la grippe aviaire modifié le virus H5N1 mutant, il a été transformé, les furets peuvent l'attraper et ça leur réussit pas du tout.»

«S'il était en liberté, ce serait la catastrophe»

Jérôme Bonaldi: «Donc s'il est en liberté ce virus est très, très, très, très, très méchant.» Caroline Tourbe: «S'il était en liberté, ce serait la catastrophe.» Jérôme Bonaldi: «Ça se passe ou ça ?» Caroline Tourbe: «Ça se passe aux Etats-Unis, à quelques heures de route de Chicago, dans un laboratoire.» Jérôme Bonaldi: «Mais il est super protégé ?» Caroline Tourbe: «C'est un laboratoire qui est bien protégé, qui est un laboratoire de niveau de sécurité P3.» Jérôme Bonaldi: «P3, on fait mieux ?» Caroline Tourbe: «Oui, il y a le P4 qui est un laboratoire, il en existe deux en France et une poignée dans le monde, le P4, c'est sécurité maximum. Pour Ebola, par exemple. Le P3, c'est un petit peu moins secure.»

«Les échantillons étaient extrêmement dangereux et ce n'était pas sécurisé»

Jérôme Bonaldi: «Demain matin, peut être une petite fuite d'un laboratoire P3 aux Etats-Unis et boum ?!» Caroline Tourbe: «C'est peu probable quand même parce que ça reste des laboratoires qui sont bien sécurisés. Mais ce qui est possible et là, c'est possible en P4 ou P3, c'est une erreur humaine, une erreur d'attribution. C'est-à-dire que l'on sait qu'il y a eu là récemment des virus qui ont été adressés aux mauvais laboratoires dans une enveloppe qui est arrivée, la personne qui l'a reçue, l'a ouverte et les échantillons étaient extrêmement dangereux et ce n'était pas sécurisé. C'est ce genre de craintes-là qu'ont les chercheurs et les biologistes qui se sont mobilisés pour s'opposer aux recherches menées sur ce mutant.»

«Pourquoi jouer à l'apprenti sorcier ?»

Jérôme Bonaldi: «Alors, pourquoi faire ça ? Pourquoi faire ces recherches ? Pourquoi jouer à l'apprenti sorcier ?» Caroline Tourbe: «Pourquoi jouer à l'apprenti sorcier ? Ça fait partie du problème. C'était pour ça aussi qu'on y est allé. C'est-à-dire qu'il y a toute une polémique autour de ces recherches. Faut-il ou pas les faire ? Pourquoi est-ce que l'on fait une recherche pareille ? C'est aussi une bonne question. On peut se demander est-ce que c'est bien utile de prendre un risque pareil ? Ce que disent les chercheurs américains qui ont créé ce mutant, c'est qu'il vaut mieux se préparer à ce qui peut arriver dans la nature plutôt que de la laisser faire. Leur idée, c'est de dire nous allons voir quelles sont les mutations nécessaires pour que ce virus de la grippe aviaire devienne très contagieux pour les humains et puis, on va se préparer. On va essayer de trouver des parades.»

«On peut créer un monstre que la nature ne créera pas forcément»

Jérôme Bonaldi: «Si vis pacem, para bellum, si tu veux la paix, prépare la guerre.» Caroline Tourbe: «Exactement ce que eux disent. Mais à l'inverse, d'autres chercheurs qui se sont mobilisés contre ces recherches disent que ce n'est pas prudent, on joue vraiment aux apprentis sorciers, que l'on peut créer un monstre que la nature ne créera pas forcément. Il n'est pas dit que les mutations créées en laboratoire soient des mutations sélectionnées par la nature. On ne peut pas le savoir que donc ces recherches sont parfaitement inutiles et surtout dangereuses si jamais ce virus s'échappait du laboratoire alors, on serait exposé à la pire pandémie qu'on ait jamais connu au 21ème siècle.»



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