Aujourd'hui, 1 pauvre sur 4 meurt avant la retraite ?
Dans le cadre de son émission «Osons Causer» Ludovic Torbey nous parle des retraites et précisément de celles des plus pauvres. Une émission publiée sur Youtube le 7 février 2020.
«Il est temps maintenant de regarder cette réalité en face»
Ludovic Torbey: «Aujourd'hui, un pauvre sur quatre meurt avant l'âge de la retraite. Il est temps maintenant de regarder cette réalité en face et cette réalité, elle tient en un graphe tiré des données les plus récentes de l'INSEE. Sur ce graphe, vous voyez en bas, l'âge et à gauche, le pourcentage de survivants. La courbe rouge vous montre à chaque âge combien des dix pour cent d'hommes les plus pauvres sont toujours en vie. La courbe verte montre la même chose, mais pour les dix d'hommes les plus riches. Ce graphe, il est méga instructif pour réfléchir aux retraites. Pourquoi ? Parce qu'il nous montre qui n'a pas survécu jusqu'à l'âge de la retraite, qui s'est tué au boulot, qui n'a pas fini le jeu. On voit qu'à 62 ans, l'âge légal actuel pour partir à la retraite, les hommes les plus riches, ils sont encore 95 % à être en vie.»
«Un homme pauvre sur quatre est mort avant 62 ans»
Ludovic Torbey: «Par contre, les hommes les plus pauvres, il n'en reste plus que 76 %. Autrement dit, un homme pauvre sur quatre est mort avant 62 ans. Il ne touchera donc jamais un seul centime de sa retraite. Et pour bien voir à quel point c'est énorme, regardons à quel âge un homme riche sur quatre est décédé. Pour les plus riches, c'est pas 62 ans, c'est 80 ans. Il y a 18 ans d'écart. C'est un monde d'écart entre les deux. D'ailleurs, si vous vous demandez comment ça fonctionne chez les femmes, et bien, comme elles vivent plus longtemps, tout est décalé mais dites-vous qu'on a le même genre d'écart de survie entre les plus riches et les plus pauvres. Et attention, cette injustice ne concerne pas seulement les plus pauvres. Si on regarde en orange les revenus modestes, ceux qui gagnent en gros entre 900 et 1250 euros par mois, et bien on remarque que eux, ils sont un sur cinq quasiment à mourir avant d'atteindre l'âge de la retraite. Je reformule.»
«Ceux qui partent aujourd'hui le plus tard à la retraite, ce sont les pauvres»
Ludovic Torbey: «Prenez tous les hommes qui gagnent moins de 1250 euros. Ça, ça fait 30 % de la population des hommes. Et bien parmi eux, il y en a un sur cinq qui ne verra jamais un seul jour de sa retraite. Il faut regarder cette réalité en face et en tirer toutes les conséquences pour nos réforme des retraites. Avec ces chiffres en tête, on comprend que faire partir tout le monde à la retraite au même âge, et bien, ce n'est pas du tout mais alors pas du tout juste. Ça lèse terriblement les plus pauvres et en plus dites-vous que ceux qui partent aujourd'hui le plus tard à la retraite, ce sont les pauvres, donc c'est la double peine pour eux. Et cerise sur le cercueil, cette réalité qui fait mal, elle ne s'améliore pas. Les inégalités de survie entre riches et pauvres n'ont pas bougé depuis 50 ans. Il y avait autant d'écart entre l'espérance de vie d'un cadre et celle d'un ouvrier en 1970 qu'aujourd'hui, il y a eu 0, 0 progrès là-dessus.»
«Il faut un QI de bulot pour ne pas comprendre»
Ludovic Torbey: «Donc, quand un éditorialiste ou un ministre avec un haut salaire dit à la télé, c'est ok de travailler après 62 ans parce que " on " vit plus longtemps, on le comprend, il parle de son vécu, pour lui, 62 ans, c'est tranquille dans son entourage tout le monde vit, tout le monde se porte bien, c'est la fête.» Luc Ferry (Ancien ministre): «Aujourd'hui, les chiffres viennent de sortir, c'est 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. Donc il faut un QI de bulot pour ne pas comprendre qu'on est obligé d'augmenter la durée de cotisation.» Ludovic Torbey: «Mais pour capter ce que ça veut dire 62 ans pour les plus pauvres et bien que ce gus à la télé s'imagine partir à la retraite avec un quart de ses amis au cimetière, avec un ami sur 4 qui a cotisé toute sa vie pour pas toucher un centime de ses retraites. Et bien très probablement qu'il changera d'avis sur l'âge juste pour le départ à la retraite. Là, avec la réforme Macron, on a un double problème : premièrement, ce que tous les ministres appellent " un système de retraite universel ", c'est en réalité une injustice. Donner les mêmes règles de retraite, le même âge de départ pour les riches et pour les pauvres qui n'ont pas la même probabilité de survie, c'est fondamentalement injuste.»