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Publié le 18 janvier 2021

Covid: une aubaine pour tuer la démocratie ?

La philosophe engagée Barbara Stiegler était l'invitée d'Olivia Gesbert pour l'émission «La grande table idées» diffusée sur France Culture le lundi 4 janvier 2021.

«On s'est mis à accepter des choses parfaitement inacceptables»

Barbara Stiegler: «La pandémie suggère l'idée que (un peu comme dans notre imaginaire, la peste, etc.…) nous serions tous soumis à un danger de mort imminent. En parlant de pandémie, on a en fait sidéré les esprits. On est passé dans un régime d'exception et on s'est mis à accepter des choses parfaitement inacceptables. Nous avons en fait un horizon, un cap qui est de plus en plus sombre, avec une crise écologique dont on sait maintenant que c'est une crise sanitaire, une crise sociale, une crise économique, une crise financière, etc... Toutes ces crises s'amoncèlent, etc... Les populations, les citoyens ne font plus confiance aux dirigeants et aux experts, à juste titre, parce qu'ils voient bien qu'il y a un problème. La confiance qu'ils faisaient avant, spontanément, elle n'est plus là et donc le discours dominant devient : "Puisque ces populations sont défaillantes, il va falloir absolument limiter la démocratie pour gérer les crises". Mais vous vous rendez compte ? Le discours c’est : "Des crises, il y en aura toujours et il y en aura de plus en plus". Donc de la démocratie il y en aura, c'est annoncé clairement dans ce discours, de moins en moins, il va falloir renoncer. Il va falloir renoncer à la démocratie parce que la démocratie, c'est la contestation et la contestation n'est plus autorisée dans un monde tel que celui-là.»

«C'est un inconvénient d'être dans une démocratie»

Axel Kahn: «Face à une pandémie, c'est un inconvénient d'être dans une démocratie et c'est encore plus un inconvénient d'être dans une démocratie contestataire. On le voit très bien, cette exigence de ne pas se plier à quelques préconisations sanitaires ou autre que ce soit. Ces mouvements de résistance, que ce soit aux Etats-Unis d'Amérique, en Allemagne ou en France, ce sont des phénomènes qui nuisent à l'efficacité des mesures sanitaires. La démocratie, de ce côté-là, elle peut être un avantage pour énormément de choses. Mais d'un point de vue sanitaire, par rapport au virus, ce n'est pas un avantage.»

«Attaquée de toutes parts par le discours dominant»

Barbara Stiegler: «Oui, cette déclaration d'Axel Kahn sur la radio publique est consternante. Elle est extrêmement inquiétante. Elle n'est pas du tout isolée. Christine Ockrent qui est ce jour-là dans l'émission à ses côtés, en profite pour saluer l'extraordinaire gestion de la crise sanitaire par la Chine. Axel Kahn continue dans son blog, que j'ai consulté hier, à nous dire combien ces États autoritaires gèrent merveilleusement bien les choses et sont beaucoup mieux adaptés à une situation de crise sanitaire, environnementale, etc... Nous avons donc une démocratie qui va extrêmement mal, qui est attaquée de toutes parts par le discours dominant qui nous explique que la population, c'est à dire le Démos, qui s'appelle maintenant la population. La population est très irrationnelle, elle est très complotiste, on ne peut pas lui faire confiance. Elle est d'ailleurs dans la défiance. Il faut donc se méfier, il ne faut pas remettre notre sort dans les mains du Démos. Il faut remettre notre sort dans les mains de ceux qui savent. Des experts ultra spécialisés qui savent et qui sont là pour conseiller les dirigeants qui eux-mêmes savent à peu près où on doit aller. Donc, on a ce discours dominant. En parlant de pandémie, on a en fait sidéré les esprits. On est passé dans un régime d'exception et on s'est mis à accepter des choses parfaitement inacceptables.»



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