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Publié le 09 avril 2022
Indignée, cette journaliste se lâche : « Je me demande si on n'est pas en train de passer dans une France de l'à-peu-près »
Marie Dupin intervenait lors de l'émission « Apolline Matin » diffusée ce jeudi 7 avril 2022 sur RMC.
« Je n'ai toujours pas mes APL »
Apolline de Malherbe : « Marie, vous avez été contactée par des allocataires de la CAF. » Marie Dupin : « Eh oui, parce que depuis début septembre, avec Anne-Lyvia Tollinchi et Alexis Lalemant, on a reçu des dizaines de mails à l'adresse " RMC pour vous " pour des problèmes, effectivement, liés à la CAF. » Apolline de Malherbe : « La caisse d'allocations familiales. » Marie Dupin : « Exactement. Des étudiants, des personnes handicapées ou des bénéficiaires du RSA qui se plaignent de ne pas toucher leurs allocations. Des retards de versements qui vont de plusieurs mois à plusieurs années. » Chloé (étudiante) : « Je suis boursière, j'ai emménagé le 28 août et je n'ai toujours pas mes APL. Pour l'instant, ils me doivent 8x200 euros, donc on est obligé de se restreindre sur les sorties. On est obligé de calculer en permanence. On n'a aucun recours et on ne sait pas pourquoi. » Nissaï : « Maintenant, ça va faire deux ans que je n'ai pas d'APL. Et à chaque fois, quand on va sur le site : oui, ma demande est censée être traitée, oui, je suis censé avoir des paiements. Mais quand on regarde mon compte bancaire, quand on regarde mes paiements sur le site : rien du tout. » Sylvie : « Aujourd'hui, je ne sais pas comment je fais manger mon frère, comment je lui paye le loyer, puisque c'est moi qui dois, en tant que curatrice, payer toutes les charges, l'EDF, etc. Combien de temps ça va durer ? »
« 4 millions d'euros ? Pour la réforme des APL ? »
Sylvie : « Parce que, pendant ce temps-là, les gens, ils n'ont plus de revenus et on les laisse. » Apolline de Malherbe : Mais Marie, des problèmes de versements de la CAF, ce n'est pas nouveau ? » Marie Dupin : « Dans ces proportions, si. C'est ce que disent les syndicats, qui parlent d'une situation explosive : des dizaines de milliers de personnes sont concernées. Pourquoi une telle situation ? À cause de la réforme des APL, entrée en vigueur l'an dernier. Une réforme pilotée par un cabinet de conseil, dont je vous laisse deviner le nom... » Charles Magnien : « McKinsey. » Marie Dupin : « McKinsey. Montant de la facture à payer à McKinsey pour cette réforme : près de 4 millions d'euros. » Apolline de Malherbe : « 4 millions d'euros ? Pour la réforme des APL ? Au moment où on enlève 5 euros des APL comme première décision du quinquennat ? » Nicolas Poincaré : « Oui, mais ce n'était pas une mission sur les 5 euros, c'était une mission sur l'informatisation. » Apolline de Malherbe : « D'accord, donc rien à voir. On a quand même été chercher des économies de 5 euros par APL, par bourse, et en même temps, on a... » Marie Dupin : « Exactement. Et McKinsey était censé permettre de simplifier l'informatisation, justement, le système informatique. » Apolline de Malherbe : « Ça a été efficace ! » Marie Dupin : « Et ça a eu l'effet contraire. Plusieurs agents de la CAF se sont confiés à nous, dont Daphné. Après dix ans à la CAF, elle a fini par démissionner à cause de cette réforme des APL. »
« On voit la précarité, on voit les besoins, on voit l'urgence »
Daphné : « En fait, le problème, c'est que le système ne tient plus. Depuis qu'il y a eu la réforme de l'aide au logement, le système informatique, qui tirait déjà un peu la langue, a commencé à ralentir encore plus et à ne plus répondre correctement. Je vois pour certaines CAF, on est passé d'un mois à trois mois de délais de traitement, par exemple. Donc nous, on était pris entre les deux, parce qu'on est en face à face avec les familles. On voit la précarité, on voit les besoins, on voit l'urgence. On est conscient de tout ça. Mais techniquement parlant, on ne peut rien faire. Même si on voulait, on ne pourrait pas. Le soir, on est vidé, on n'en peut plus, on est épuisé. On a quand même une mission sociale. Et le problème, c'est qu'en fait, plus ça va, plus le gouvernement change la législation des prestations, plus les outils ne nous permettent pas de travailler correctement, et plus cette mission-là, qui est la mission première, on l'oublie. Ce n'est pas possible. » Apolline de Malherbe : « Que répond la CAF, Marie ? »
« Je me demande si on n'est pas en train de passer dans une France de l'à-peu-près »
Marie Dupin : « Eh bien, elle reconnaît qu'à la suite de la réforme, des anomalies et des problèmes informatiques ont pu engendrer des retards dans le traitement de certains dossiers. Mais voilà, la CAF nous assure que toutes les équipes ont été et sont encore mobilisées pour le réseau. » Apolline de Malherbe : « Je ne sais pas ce qui fonctionne encore parfaitement dans ce pays. C'est-à-dire que j'ai quand même l'impression que partout où on va, il y a toujours des à-peu-près. Je me demande si on n'est pas en train de passer dans une France de l'à-peu-près. » Marie Dupin : « C'est-à-dire que là, on est venu vouloir simplifier un système informatique ; en fait, on l'a complexifié. » Apolline de Malherbe : « Moi j'essaie de faire refaire des passeports en ce moment, je ne sais pas si vous avez déjà réussi. Moi, je n'arrive tout simplement pas à prendre un rendez-vous. » Marie Dupin : « Il faut que je m'y mette, d'ailleurs. » Apolline de Malherbe : « Je vais finir par appeler Marie Dupin, parce que c'est même pas que j'ai un rendez-vous dans trois mois : je n'ai même pas de rendez-vous. Je ne sais pas comment faire pour obtenir un rendez-vous. » Marie Dupin : « C'est très compliqué, on a fait le sujet récemment. »