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Publié le 06 octobre 2024
Pauvreté : ces images proviennent de France, et elles se passent de commentaires
INFORMATION
Une précarité croissante chez les étudiants français
La scène est frappante : des étudiants, non pas en train de faire la queue pour un concert ou un événement festif, mais pour recevoir de quoi manger. Ce constat alarmant reflète une détresse silencieuse mais bien présente chez une partie croissante de la jeunesse étudiante. Comme en témoigne une jeune fille dans un reportage diffusé sur TF1, les difficultés financières sont devenues le quotidien de beaucoup : « Je tente de ne pas dépasser 15 euros par semaine pour mes courses, mais c’est souvent difficile et je finis par dépasser mon budget. La fin du mois devient alors très compliquée ».
Ce n'est pas un cas isolé. Un autre étudiant explique dans ce même reportage qu’il doit se débrouiller avec une bourse de 145 euros par mois, en plus d’un petit emploi à temps partiel. Malgré cela, il peine à couvrir ses besoins de base : « Je vis avec cette bourse, mais elle ne suffit pas, et mes parents ne peuvent pas m’aider ». Ces témoignages illustrent une situation de plus en plus préoccupante où les ressources des étudiants ne permettent plus de subvenir à leurs besoins essentiels.
Des files d'attente pour se nourrir
À Talence, une commune proche de Bordeaux, des centaines d’étudiants se rassemblent trois fois par semaine pour recevoir des paniers alimentaires gratuits. Ce phénomène, loin d’être isolé, est devenu courant à travers le pays. L’année dernière, pas moins de deux millions de paniers repas ont été distribués aux étudiants, et la demande continue de croître. Cynthia Guillet, présidente de l’association « Linkee », qui organise ces distributions, exprime ses inquiétudes : « La demande explose, et nous devons constamment solliciter des dons, que ce soit auprès des grandes surfaces ou des commerces de proximité ».
Les distributions alimentaires se déroulent dans une résidence étudiante du campus, où chaque bénéficiaire repart avec environ sept kilos de nourriture. Ces paniers incluent des produits frais, des fruits et des légumes. « Ce sont des produits que nous ne pourrions pas nous permettre d’acheter avec nos revenus étudiants », explique un étudiant. Cette aide est indispensable pour nombre d’entre eux, dont le budget alimentaire est souvent limité à quelques dizaines d’euros par mois.
Des emplois étudiants difficiles à concilier avec les études
Si certains étudiants tentent de cumuler études et petits emplois pour améliorer leur situation, les contraintes de temps rendent souvent cet équilibre impossible. Clotilde, étudiante en master de chimie, résume bien la situation : « Mes journées de cours s’étendent de 8h à 18h20, et entre les révisions et les travaux à rendre, il est impensable de trouver un emploi la semaine. Je pourrais travailler le week-end, mais quand trouver le temps de réviser ? ». Cette réalité illustre la difficulté de concilier un emploi étudiant avec un emploi du temps universitaire souvent chargé.
De nombreux étudiants se retrouvent donc dans une situation où, malgré leurs efforts, ils n’ont pas d’autre choix que de compter sur les aides alimentaires. Anaé, étudiante en licence de cinéma, confie : « Après avoir payé toutes mes dépenses fixes, il ne me reste que 100 euros pour le reste du mois, que ce soit pour la nourriture, les transports ou les sorties ». Avec un tel budget, la marge de manœuvre est extrêmement réduite, forçant les étudiants à surveiller chaque dépense.
Des sacrifices au quotidien pour les plus précaires
Pour d’autres, les sacrifices sont encore plus lourds. Nora, étudiante en école privée de mode, n’a droit à aucune aide du CROUS et doit financer ses repas seule. « Je me débrouille avec un budget entre 30 et 50 euros par mois pour la nourriture, mais parfois, je n’ai plus rien à la fin du mois, et je dois sauter des repas », confie-t-elle avec une pointe de résignation. Comme beaucoup d’autres, elle a travaillé durant l’été pour économiser un peu, mais entre le remboursement de son prêt étudiant et les frais du quotidien, ses ressources sont vite épuisées.
Les distributions alimentaires comme celles organisées par l’association Linkee deviennent donc une bouée de sauvetage pour ces étudiants. Cependant, ces aides ponctuelles ne suffisent pas à résoudre le problème de fond. « C’est épuisant de devoir tout compter au millimètre près », déplore Anaé, qui, malgré ses efforts, voit sa situation financière se dégrader mois après mois.
Une précarité qui ne cesse de croître
À 21h, lors de la dernière distribution de la journée, la file d’attente ne semble pas se réduire. L’affluence continue et illustre la précarité grandissante dans le monde étudiant. Plus de 100 000 étudiants vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté en France, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Pour beaucoup, la situation est devenue intenable, entre les frais de scolarité, le coût de la vie quotidienne, et des aides souvent insuffisantes.
Cette précarité pousse de plus en plus d’étudiants à recourir aux aides alimentaires, mais aussi à sacrifier d’autres aspects de leur vie quotidienne, comme la santé ou la culture. Les associations d’aide se multiplient, mais la question reste entière : comment permettre à ces jeunes de poursuivre leurs études sans se retrouver dans une situation de survie permanente ?
En attendant des solutions pérennes, les files d’attente pour les distributions alimentaires risquent de s’allonger encore, reflétant une détresse silencieuse mais bien réelle au sein de la jeunesse française. L'augmentation du coût de la vie, la faiblesse des bourses et la difficulté de cumuler études et emploi sont autant de facteurs qui mettent en péril l'avenir de toute une génération.
Par Tony Houdeville