ÉCONOMIE

Publié le 02 janvier 2021

Cet économiste tire la sonnette d'alarme «C'est monstrueux ce qui se passe !»

L'économiste Gilles Raveaud était sur le plateau de BFM Business ce jeudi 24 décembre pour parler des ravages économiques de la crise sanitaire.

«Où est la demande pour l'économie française ?»

Où est la demande ? Il faut arrêter avec ces histoires de projections de 3 %, 5%. Où est la demande ? Vous avez des plans sociaux. Vous avez tout ce que vous avez expliqué : chômage partiel, vrai chômage, une augmentation sans précédent de la pauvreté. Enorme problème, où est la demande ? Que font les gens comme vous, comme nous, qui ont un bon revenu ? Ils épargnent. Où est la demande ? Où est la demande ? Les secteurs moteurs, l'économie française, le tourisme, le tourisme ne va pas retrouver son niveau habituel, c'est évident, l'aéronautique, c'est évident. Où est la demande pour l'économie française ? Elle n'est pas là ! Elle n'est pas là ! Évidemment que l'année prochaine, il y aura un petit redémarrage, mais qui va être ridicule.

«Le préfet de Seine-Saint-Denis a parlé de sa crainte d'émeutes de la faim»

Il faut qu'on arrête de parler de croissance. On a une économie, je suis désolé de le dire, qui est en train de s'effondrer dans certains secteurs, dans certaines régions et dans des pans entiers de la population. Je suis désolé de casser l'ambiance, on est le 24 décembre, il y a des millions de familles aujourd'hui qui ont froid, qui ont faim. Je rappelle que le préfet de Seine-Saint-Denis, au premier confinement, a parlé de sa crainte d'émeutes de la faim, d'émeutes de la faim. Un préfet qui dit ça dans La Presse. On a aujourd'hui des dizaines de milliers de lycéens et d'étudiants qui ont arrêté définitivement leurs études, qui vont passer toute leur vie active sans être diplômés. Regardez les jeunes qui ont pris le premier confinement dans la tronche quand ils étaient en terminale, qui ont des problèmes psychologiques, sociaux, tout ce que vous voulez. Ils ne sont pas responsables.

«On les a laissés crever»

On ne vit pas tous dans la même famille. Ils ont galéré pour avoir le bac. Qu'est-ce qui s'est passé en septembre ? On les a laissés crever. On les a laissés crever, ces étudiants, alors qu'il y avait des solutions évidentes. Alors que ce qui est hallucinant, c'est qu'au mois de mai, et ça me concerne directement, ce sont mes étudiants puisque je suis en master. Au mois de mai, on a eu des dizaines de milliers de diplômés, aucun n'a trouvé de stage. Aucun n'a trouvé de boulot. Ils étaient sur le carreau. Qu'est-ce qu'il fallait faire ? C'est une honte absolue pour la classe politique. Il fallait embaucher ces jeunes diplômés bac +4, bac +5, les former pendant l'été. On était plein de profs. Moi, je le faisais bénévolement, tout ce que vous voulez, ce n'est pas un problème. Et ils auraient été les tuteurs des nouveaux étudiants qui sont arrivés en septembre. Personne ne l'a fait. On n'en a même pas parlé.

«C'est monstrueux ce qu'il se passe»

Les nouveaux étudiants, ils sont bousillés pour l'ensemble de leur vie active et dans quelques années, on va venir pleurer sur l'augmentation de la délinquance, etc. Mais qu'est-ce que vous croyez qu'ils vont devenir tous ces jeunes ? Il n'y a aucune perspective pour eux. C'est fini, c'est fini. Et là, ma fac ne va pas réouvrir. On va continuer au second semestre. On ne fait toujours rien. C'est monstrueux, c'est monstrueux ce qu'il se passe, c'est absolument sans précédent et on va venir pleurer derrière alors qu'en même temps, la recherche économique et sociologique a beaucoup avancé ces dernières années et on sait par exemple qu'une personne au chômage coûte plus cher à la société que si elle était embauchée. Il y a des associations qui bossent à Marseille, qui logent, qui soignent gratuitement des personnes à la rue. Elles ont fait leurs comptes, ces associations, à la fin de l'année, la personne logée gratuitement, elle coûte moins cher à la société que quand elle est dehors. Parce que quand elle est dehors, elle ne peut pas suivre ses traitements médicaux. Elle a des problèmes avec la justice. C'est monstrueux ce qu'il se passe. Moi, comme tout un tas de profs, je n'en dors pas la nuit. Il faut qu'on arrête de parler de croissance l'année prochaine. La pauvreté s'étend de façon colossale.



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