ÉCONOMIE

Publié le 13 juin 2022

Crédit immobilier : vers une hausse spectaculaire des taux d'intérêt ?

Emmanuel Lechypre intervenait lors de l'émission « Apolline Matin » diffusée sur RMC ce lundi 13 juin 2022.

« L'objectif, évidemment, de rendre le crédit plus cher »

Apolline de Malherbe : « La Banque centrale européenne a annoncé qu'elle augmenterait ses taux d'intérêt progressivement à partir de juillet. Pour nous, ça change quoi ? » Emmanuel Lechypre : « Eh oui, parce que quand on parle des décisions de la Banque centrale européenne à Francfort, ça peut paraître très loin – enfin, en l'occurrence, c'était à Amsterdam – mais il faut savoir que ça a des impacts directs sur notre vie quotidienne ; en réalité, les taux d'intérêt qu'elle fixe pour remplir sa mission. Sa mission, c'est quoi ? C'est ajuster le thermostat de l'activité économique pour maintenir l'inflation à 2 %. Eh bien, le taux d'intérêt qu'elle fixe pour remplir cette mission a des conséquences sur les prix, sur les salaires, sur le coût de nos crédits, sur la rémunération de notre épargne. Quand ce taux de référence monte, tous les autres taux d'intérêt montent. Avec comme objectif, évidemment, de rendre le crédit plus cher, d'avoir un peu moins d'activité, et donc un peu moins d'inflation, le but ultime. » Apolline de Malherbe : « Il y a des effets positifs et puis il y a des effets négatifs. »

« Ça peut limiter aussi la hausse des salaires »

Emmanuel Lechypre : « Oui, alors il y a des effets positifs : quand vous augmentez les taux d'intérêt, eh bien vous rémunérez mieux l'épargne, l'assurance vie notamment, qui n'a quand même rapporté que 1,3 % l'année dernière. L'autre avantage aussi, qu'on oublie, de remonter les taux d'intérêt, c'est que c'est un soutien pour notre monnaie, pour l'euro, ce qui, quand même, serait très appréciable d'avoir un euro plus fort quand on sait que c'est un moyen de limiter la hausse des prix du pétrole, qu'on achète en dollars. Aussi, tous les produits alimentaires importés qu'on voit flamber dans nos hypermarchés, je pense par exemple au café : là aussi, ça permettrait d'amortir le choc. Il faut rappeler qu'en 2008, les taux d'intérêt avaient monté et l'euro était fort. Et ça nous avait quand même très largement préservés d'avoir le litre d'essence à plus de 2 €. Et puis, il y a des effets négatifs, principalement le coût des crédits, le coût des crédits à la consommation. Alors évidemment, ce ne serait pas grand-chose : si vous prenez 5 000 € sur quatre ans, ça vous fait à peu près 20 à 25 € de plus. Et puis, ça peut limiter aussi la hausse des salaires, puisque c'est la crainte de la BCE que les salaires s'emballent et que, du coup, l'inflation soit pérenne. »

« Ah c'est colossal ! »

Apolline de Malherbe : « Et l'impact le plus important, il est sur les crédits immobiliers ? » Emmanuel Lechypre : « Ah oui, alors ça, ce serait vraiment un impact spectaculaire. Le gouverneur de la Banque de France, il dit que la hausse actuelle des taux immobiliers devrait se situer autour de 2 à 3 %. Sachez qu'aujourd'hui on emprunte à 1,5 %. Pour vous donner une idée de la différence, ça veut dire qu'emprunter 600 000 € augmenterait le coût du crédit de 100 000 €. » Apolline de Malherbe : « 100 000 € ? » Emmanuel Lechypre : « Ah oui, 100 000 €. » Apolline de Malherbe : « Ah c'est colossal ! » Emmanuel Lechypre : « Si vous empruntez 600 000 €... » Apolline de Malherbe : « C'est pas du tout marginal. » Emmanuel Lechypre : « Ah bah non, c'est pas du tout marginal. Voir les taux qui passent de 1,5 à 3 %, ça vous fait 100 000 € sur les 20 ans que dure, évidemment, votre crédit. Mais c'est quand même, oui, un taux considérable. Ça ampute votre capacité d'emprunt de 12 %. Donc si les taux montent vraiment, ça peut avoir un vrai effet de glaciation sur le marché immobilier. » Apolline de Malherbe : « C'est le cas de le dire. »



À découvrir aussi...

Partager cette page