POLITIQUE

Publié le 05 avril 2022

« Il suffit de vous laisser vous dessécher sur place » L'intervention fracassante de Jean Lassalle

Jean Lassalle était l'invité de l'émission « Europe Matin » diffusée ce lundi 4 avril 2022 sur Europe 1.

« La posture de ceux qui vous font rêver n'est pas forcément inscrite dans ce même contexte »

Sonia Mabrouk : « Jean Lassalle, comment on fait justement pour ne pas laisser ce système totalement nous accaparer, tout cannibaliser ? Vous avez marché près de 5000 kilomètres à travers le pays, il faut le rappeler, il y a quelques années. Vous aviez fait aussi une grève de la faim, on s'en souvient, pour protester contre la délocalisation d'une entreprise, vous aviez perdu jusqu'à 30-35 kilos. Est-ce qu'une forme de radicalité aujourd'hui est nécessaire pour se faire entendre, pour retrouver cette France ? Est-ce que vous l'assumez ? Est-ce qu'il faut en passer par là ? » Jean Lassalle : « Écoutez, chère Sonia Mabrouk, chère Sonia, j'ai essayé, comme tout le monde. J'ai aussi essayé de réfléchir aux lectures que j'aurais pu avoir, aux hommes que j'admirais : Nelson Mandela, Gandhi... Mais c'est toujours pareil : les contextes changent et la posture de ceux qui vous font rêver n'est pas forcément inscrite dans ce même contexte. »

« L'expérience est une lanterne que l'on porte sur son dos »

Jean Lassalle : « Et je me suis dit : il y a une constante, c'est quand même la résistance. Et la résistance vous montre ensuite la voie à suivre, celle qui est adaptée précisément au contexte dans lequel nous nous trouvons, qui est nouveau. C'est toujours ce qui a surpris nos aînés, c'est que les changements de monde n'étaient pas... on ne pouvait pas se servir des expériences acquises. L'expérience est une lanterne que l'on porte sur son dos et qui n'éclaire que le chemin parcouru, et un peu vaguement celui qui est à venir. Donc il faut une espèce de lucidité, de vision, de clairvoyance, et surtout beaucoup d'humilité. » Mathieu Bock-Côté : « Alors vous avez dit le mot important : résistance. Mais à qui et à quoi résistez-vous ? C'est d'ailleurs le nom de votre parti : Résistons. » Jean Lassalle : « C'est-à-dire ce système non-démocratique qui s'est imposée à nous, après la démocratie heureuse. Bon, heureuse, euh... démocratie, où en tout cas, en France, on votait passionnément à droite, passionnément à gauche, passionnément au centre, et même passionnément à l'extrême-gauche qui était bien plus puissante à l'époque que l'extrême-droite. »

« Il suffit de vous laisser vous dessécher sur place »

Jean Lassalle : « Il faut se souvenir quand même de l'époque. Eh bien, aujourd'hui, rien de tout ça. Mais maintenant, il suffit de vous laisser vous dessécher sur place, de ne plus s'occuper de vous, de vous laisser justement résister en silence. Et à ce moment-là, vous n'êtes plus un problème pour qui que ce soit. Et en plus, on va vous mettre quelqu'un qui va vous ridiculiser. Une véritable entreprise de démolition complète. Et là, vous avez un sentiment qui s'empare de l'ensemble du peuple. C'est un sentiment d'angoisse latente, de peur. » Sonia Mabrouk : « Vous parlez de quelque chose qui s'installe, d'un système qui se referme sur certains Français, les plus fragiles d'entre nous. Et c'est pour ça que vous avez souvent épousé certaines causes. Je faisais tout à l'heure référence à une forme de radicalité. Par exemple, on vous a vu, pour les gilets jaunes, vous avez vous-même endossé un gilet jaune à l'Assemblée nationale. Nuit debout également. Voilà quand même des mouvements qui n'ont pas forcément les mêmes ferments, et pourtant, on vous y a trouvé. »

« Le peuple sait très bien et se méfie de ceux qui le représenteront. Il s'en méfie beaucoup »

Sonia Mabrouk : « Pourquoi est-ce que Jean Lassalle est toujours du côté du peuple, même s'il peut y avoir des mouvements de violence, parfois, qui gangrènent ces grands mouvements ? » Jean Lassalle : « Parce que j'ai toujours considéré que je suis resté, peut-être... J'allais dire peut-être un peu vieille France, mais je pense que c'est la France authentique. Une France qui veut et qui tiendra debout malgré tout. Pour moi, le peuple, c'est des hommes et des femmes. Ils sont aujourd'hui perdus et ils courent dans tous les sens, comme après le passage d'un tsunami. Et puis, ils peuvent redevenir citoyens, si par hasard et par bonheur, ils se retrouvent à deux, puis à trois, et qu'ils échangent, et très vite, le peuple peut revenir. Et si le peuple revient, il ne supporte pas qu'on ne lui propose pas un projet. Je ne dis pas un programme : un projet, un futur. Et il veut choisir, parce qu'il sait très bien et se méfie de ceux qui le représenteront. Il s'en méfie beaucoup, mais depuis toujours, il sait très bien qu'ils vont mentir aussi, qu'ils vont camoufler ce qui ne va pas pour essayer de mettre en avant ce qui va. Et ils ont besoin de débat, et ils sont privés de ce débat et ça les rend terriblement malheureux. »



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