POLITIQUE

Publié le 27 octobre 2022

« Le monde de la délinquance en col blanc présumée a créé un appareil qui divertit les opinions publiques » Fabrice Arfi

Fabrice Arfi était l'invité de l'émission « C dans l'air » diffusée ce mercredi 26 octobre 2022 sur France 5.


“ Monsieur Macron, c'est l'enfant de l'affaire Fillon. ”

Fabrice Arfi : « Nous sommes dans un pays où... Ça n'est jamais arrivé dans l'histoire politique et judiciaire française. Ça n'est jamais arrivé que le ministre de la Justice en fonction est renvoyé devant la Cour de justice de la République pour un procès à venir. Pourquoi ? Pour avoir fait pression sur des magistrats anticorruption en utilisant les moyens du gouvernement. » Bruno Duvic : « En tout cas, c'est l'accusation. » Fabrice Arfi : « C'est l'accusation. C'est pour ça qu'il est renvoyé. Voilà. Bien sûr, parce qu'il est suspect, il est présumé innocent. C'est la raison pour laquelle il est renvoyé. Et nous avons un président de la République qui a été élu dans un moment – on s'en rappelle tous, Monsieur Macron, c'est l'enfant de l'affaire Fillon – en disant que si un ministre est mis en examen, il devait démissionner. Et quand il est confronté à un ministre mis en examen, il ne démissionne pas. » Bruno Duvic : « Vous citez un discours de mars 2017 : " Nous voulons les mêmes règles pour tous. Nous voulons des dirigeants responsables, exemplaires et qui rendent des comptes. " Et vous estimez que la promesse n'est pas tenue. »


“ Un ministre mis en examen doit démissionner. ”

Fabrice Arfi : « Non, la promesse n'est pas tenue. Et sur la démission des ministres mis en examen, j'entends aujourd'hui beaucoup : " Oui, mais il y a la présomption d'innocence... " » Bruno Duvic : « Alors oui, présomption d'innocence. Je voulais vous interroger là-dessus. " Elle ne se discute pas, écrivez-vous. Mais les faits qu'une affaire permet de dévoiler n'ont pas qu'une portée strictement judiciaire. " Ça veut dire quoi ? » Fabrice Arfi : « Mais oui, parce que la présomption d'innocence, c'est : en droit français, quand vous êtes suspect dans une affaire, vous êtes donc présumé innocent. Ça veut dire que personne ne peut vous présenter comme coupable pénalement d'avoir commis tel ou tel délit, tant que vous n'avez pas été définitivement jugé pour cela. » Bruno Duvic : « Et condamné. » Fabrice Arfi : « Mais si depuis 30 ans, plus de 30 ans, il y a une jurisprudence politique française qui est qu'un ministre mis en examen doit démissionner, ce n'est pas pour porter atteinte à sa présomption d'innocence. C'est pour deux raisons très simples, que tout le monde peut comprendre. »


“ Le monde de la délinquance en col blanc présumée a créé un appareil qui divertit les opinions publiques. ”

Fabrice Arfi : « C'est une jurisprudence qui date du gouvernement Balladur, ce n'est pas le plus gauchiste de la bande ! » Bruno Duvic : « Qui est appliquée avec des hauts et des bas. » Fabrice Arfi : « On demande à un ministre mis en examen de démissionner. Pourquoi ? Eh bien, pour que le soupçon dont il est personnellement la cible ne rejaillisse pas sur l'institution et la fonction qu'il incarne. Ça, c'est du point de vue du ministre. Et puis du point de vue du gouvernement, c'est de ne pas prendre le risque d'avoir un possible délinquant dans ses rangs, puisque la mise en examen, c'est une forme d'alerte qui est envoyée par la justice. Et quand il y a des enquêtes en cours, on nous dit : " présomption d'innocence ". Très bien. Quand quelqu'un est condamné, on dit : " oui, mais il a fait appel ". Très bien. Quand il est condamné définitivement... » Bruno Duvic : « Il y a la cassation. » Fabrice Arfi : « Il y a la cassation. Et quand il est condamné totalement, définitivement – exemple : Alain Juppé –, on le renomme ministre après. Et puis Monsieur Macron le fait arriver au Conseil constitutionnel. » Bruno Duvic : « Peut-être parce qu'on peut estimer qu'au fond, il a payé sa peine. » Fabrice Arfi : « Oui, mais c'est des questions qu'on ne se pose jamais pour d'autres types de délinquance. Le monde de la délinquance en col blanc présumée a réussi à créer un appareil de discussion qui divertit les opinions publiques pour ne pas discuter des faits eux-mêmes. »



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