POLITIQUE

Publié le 10 janvier 2023

« Les partis aujourd'hui sont devenus des syndicats d'intérêts » Francis Lalanne sur les partis politiques

Francis Lalanne était l'invité de l'émission « Bercoff dans tous ses états » diffusée sur Sud Radio ce vendredi 6 janvier 2023.


“ La démocratie, ce n'est pas décider qui va décider. La démocratie, c'est décider. ”

Francis Lalanne : « La démocratie, ce n'est pas décider qui va décider. La démocratie, c'est décider. Le coupable, c'est celui qui a causé le chaos qui règne à l'heure actuelle sur la France, qui en est la cause, puisqu'il en est le décisionnaire. C'est le seul à prendre les décisions dans notre pays, ce qui est une aberration démocratique. Mais je m'adresse aussi aux responsables. Parce que pour moi, aujourd'hui, les responsables de la situation sont ceux qui n'agissent pas. » André Bercoff : « Qui n'agit pas ? » Francis Lalanne : « En tout cas, on ne peut pas accuser le peuple de ne pas agir. Il a essayé, le peuple, d'agir. Mais à un moment donné, on est dans un système républicain – qui n'est pas la démocratie, je le rappelle – mais ce système républicain, il pourrait avoir un fonctionnement démocratique et vertueux si les corps intermédiaires faisaient leur boulot. Or, là, les corps intermédiaires ne font plus leur boulot. » André Bercoff : « Qu'est-ce que vous appelez les corps intermédiaires ? » Francis Lalanne : « Bah, par exemple, l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale, aujourd'hui, est composée d'un aréopage de députés dont la majorité ne va pas à l'actuel occupant de l'Élysée. Et donc, aujourd'hui, on devrait avoir sur le papier une opposition réelle. Or, on s'aperçoit que cette opposition ne l'est pas, réelle, en vérité, puisqu'on en est à je ne sais plus combien de 49-3, et ils ne sont toujours pas capables de voter ensemble contre les décisions qu'ils réfutent. Je prends simplement l'exemple de la réintégration des soignants. Voilà donc un groupe parlementaire qui fait une proposition pour qu'on réintègre les soignants et, donc, cette proposition, finalement, elle ne va pas passer parce qu'un groupe concurrent ne veut pas voter avec lui. Donc, c'est ce que le général de Gaulle appelait la dictature des partis, la " catastrophe nationale " pour reprendre ses propres termes. »


“ Cette Constitution a montré ses limites démocratiques, et maintenant, elle a basculé dans la monarchie. ”

André Bercoff : « Donc on est revenu au régime des partis ? » Francis Lalanne : « C'était ce que disait le général de Gaulle. Le général de Gaulle disait, en gros : pour que l'Assemblée nationale soit vertueuse, il ne faut pas qu'elle soit sous la coupe des partis politiques. » André Bercoff : « Mais pourtant, on est en cinquième République, Francis Lalanne ? » Francis Lalanne : « Mais le paradoxe est là, cher André. C'est qu'aujourd'hui, finalement, comme l'annonçait un peu Pierre Mendès France, cette Constitution a montré ses limites démocratiques, et maintenant, elle a basculé, via la dérive présidentielle, elle a basculé dans la monarchie. Vous savez, tout commence avec l'élection au suffrage universel, c'est-à-dire à partir du moment où on élit le président de la République au suffrage universel, on a tendance à considérer que, comme il a été élu par l'ensemble des Français, c'est lui le boss. Mais ce n'est pas du tout ce que prévoit la Constitution. Mais finalement, lentement, sûrement – " Chi va sano va piano, chi va piano va lontano " –, petit à petit, il y a eu cette dérive présidentielle qui fait qu'aujourd'hui, maintenant, avec l'actuel occupant de l'Élysée, on a atteint des sommets qui ne sont plus acceptables pour un citoyen français. C'est-à-dire qu'il y a une seule personne aujourd'hui en France qui prend les décisions pour 65 millions de personnes. Et ça, ça n'est pas acceptable. Alors, mon livre s'adresse bien sûr aux représentants du peuple, parce que c'est bien gentil d'attendre que le peuple... Moi, j'exhorte le peuple à ne pas accepter l'inacceptable, à faire des blocages, à faire les grèves qu'il faut, à faire les sittings qu'il faut, à refuser de payer... » André Bercoff : « Mais vous êtes contre la violence, vous n'êtes pas pour l'insurrection ? » Francis Lalanne : « Mais si j'étais pour la violence, je prêcherais l'insurrection. Or, là, ce n'est pas du tout ce que demande mon livre. Mon livre demande au peuple de ne pas accepter l'inacceptable, c'est-à-dire de refuser l'obéissance. Ce n'est pas désobéir, c'est refuser l'obéissance, c'est-à-dire refuser la soumission. »


“ On est dans un système où les élus du peuple ne représentent plus le peuple, mais l'intérêt de leur parti. ”

André Bercoff : « Le " objection de conscience " quelque part ? » Francis Lalanne : « Exactement. C'est le mot exact qui convient. Mais je mets surtout en face, pour moi, ceux qui sont véritablement responsables aujourd'hui, presque juridiquement, de la situation : c'est l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale, sur le papier, a les moyens de pouvoir voter une motion de censure, elle ne le fait pas. Elle a les moyens de pouvoir destituer le président, elle ne le fait pas. Alors la question, c'est : pourquoi ne le fait-elle pas ? Eh bien, je pense que c'est parce que, l'intérêt des partis primant sur l'intérêt de la patrie, on est dans un système que le général de Gaulle, finalement, dénonçait comme étant celui qu'il ne faut pas pour la cinquième République. On est dans un système où les élus du peuple ne représentent plus le peuple, mais l'intérêt de leur parti. Comme dans " Le Président ", ce film extraordinaire avec Jean Gabin, il dit à la fin : " Les partis aujourd'hui sont devenus des syndicats d'intérêts " et c'est ça, le problème. » André Bercoff : « Ça ne date pas de Macron, les maux dont souffre la France – les maux, M.A.U.X., bien sûr, dont souffre la France –, vous savez très bien que ça remonte à des décennies. » Francis Lalanne : « Vous avez prononcé son nom, de toute façon tout le monde le connaît, mais je ne prononce pas le nom de ce monsieur parce qu'effectivement, il pourrait y avoir quelqu'un d'autre à sa place. Ce monsieur est en mission pour les gens... » André Bercoff : « Qui pourrait être pire d'ailleurs. » Francis Lalanne : « Je ne sais pas. Franchement, je ne pense pas. Parce que si en plus on le destitue, celui qui viendra derrière, il aura reçu un message de la part du peuple et des représentants du peuple et il fera un peu plus attention. Mais je pense qu'aujourd'hui, ce monsieur qui a été mis en place par les gens pour qui il travaille, c'est-à-dire pas le peuple français, mais les gens qui l'ont fait élire, les financiers, etc., ce monsieur est simplement aux ordres des gens qui l'ont mis en place. »



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