POLITIQUE

Publié le 20 février 2024

« Non, le travail n'est pas un devoir » : Clément Viktorovitch déconstruit le discours sur le droit de grève

Grève à la SNCF : Entre Droit et Devoir, le Débat s'Intensifie

Ce week-end, la SNCF a été le théâtre d'un mouvement social significatif, marqué par l'exercice du droit de grève de certains contrôleurs. Cet événement a suscité une vive réaction du Premier ministre, qui a mis en balance le droit de grève et le devoir de travailler. Cette prise de position soulève une question fondamentale : est-il justifiable d'opposer le droit de grève au devoir de travailler ? Pour apporter des éclaircissements sur cette interrogation, le politologue Clément Viktorovitch est intervenu sur la chaîne Franceinfo, décortiquant les propos de Gabriel Attal tout en nous offrant une perspective sur le droit de grève face au devoir de travailler.

Dans un premier temps, Clément Viktorovitch a analysé les commentaires de Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, qui a qualifié la grève d'"incompréhensible", et de Patrice Vergriete, nouveau ministre des Transports, la trouvant "surprenante". Ces déclarations visent à discréditer le mouvement social à la SNCF, surtout à l'approche des vacances, période cruciale pour le transport. De plus la SNCF affirmait que les principales revendications des contrôleurs avaient été satisfaites. Cependant, les grévistes contestent cette affirmation, arguant que des engagements clés, comme l'ouverture d'une discussion sur la fin de carrière et l'intégration des primes dans le calcul de la retraite, n'ont pas été honorés.

La Déclaration Controversée de Gabriel Attal

La déclaration de Gabriel Attal, lors de son passage à Villejuif, a particulièrement retenu l'attention de Clément Viktorovitch. En soulignant l'attachement des Français au droit de grève, constitutionnel, et en le juxtaposant au "devoir de travailler", Gabriel Attal a utilisé une rhétorique qui, selon Clément Viktorovitch, tend à délégitimer certaines grèves. En effet, placer le "devoir de travailler" après un "mais" suggère subtilement que, malgré le droit constitutionnel à la grève, certaines grèves seraient inacceptables. Cette rhétorique vise à transmettre un message que l'on ne saurait clairement exprimer sans risque de controverse.

Le Travail : Droit ou Devoir ?

Face à la question de savoir si le travail est un devoir, Clément Viktorovitch répond par la négative, se référant à l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule que "toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail." Cette distinction est cruciale, car elle indique clairement que le travail est un droit et non un devoir. Quant à la Constitution de 1946, bien qu'elle mentionne effectivement un "devoir de travailler", Clément Viktorovitch insiste sur le fait que cela doit être interprété comme un devoir moral plutôt qu'une obligation juridique. Cette interprétation met en lumière l'absurdité de demander à des individus vivant de rentes ou de gains exceptionnels de travailler, soulignant que, dans une économie de marché, le travail est avant tout une nécessité économique.

Pour Clément Viktorovitch, le marché du travail est l'arène d'un rapport de force entre employeurs et employés, la grève étant l'une des rares armes à la disposition des employés pour influencer ce rapport de force. En opposant un prétendu "devoir de travailler" au droit de grève, on tente de délégitimer l'un des outils essentiels dont disposent les travailleurs pour défendre leurs intérêts. Cette approche réductrice ne tient pas compte de la complexité des dynamiques sociales et économiques à l'œuvre, ni de l'importance du dialogue social et du respect des droits fondamentaux dans la recherche d'un équilibre entre les intérêts des employés et ceux de la société.

La tentative de mise en opposition du droit de grève avec le devoir de travailler par certains acteurs politiques soulève des questions profondes sur la nature des droits et des devoirs dans une société démocratique. Les éclairages de Clément Viktorovitch sur cette question nous rappellent l'importance de préserver un espace pour le débat public, où le respect des droits constitutionnels et la reconnaissance des réalités économiques doivent guider la recherche de solutions justes et équilibrées.



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