POLITIQUE

Publié le 23 août 2022

« Quand je vote, je délègue, je fais appel à un prestataire » François Bégaudeau

François Bégaudeau était l'invité de l'émission « Notre joie » diffusée sur C2L Radio ce mardi 29 mars 2022.

« Le fait qu'on ait mis dans la tête des citoyens que l'acte politique par excellence était de voter, je pense, participe beaucoup à l'inertie politique générale. »

François Bégaudeau : « Ça tient comme ça, ça tient comme ça depuis 200 ans. Ils nous tiennent comme ça. Et nous, nous sommes les idiots utiles de la chose, puisque nous sommes les premiers à dire : " Non, non, mais bien sûr, l'élection, c'est la délégation, c'est la représentation et donc, ce n'est pas les Grecs, c'est pas... Donc en fait, l'élection, c'est pourri. " Mais quand même, le fait qu'on ait mis dans la tête des citoyens que l'acte politique par excellence était de voter, je pense, participe beaucoup à l'inertie politique générale. Parce que la politique n'est évidemment pas là. La politique, c'est quand les gens prennent en charge véritablement leur destin, mais je dirais, véritablement. Je ne suis pas le premier à le dire, un éminent intellectuel comme Castoriadis, l'a dit mille fois mieux que moi, et beaucoup plus légitimement que moi, et évidemment Jacques Rancière. »

« Quand je vote, je suis en train de dire : " Bah, je délègue. En fait, je fais appel à un prestataire. »

François Bégaudeau : « Donc moi, je ne fais que m'inscrire là-dedans. Élisée Reclus disait déjà – un grand penseur anarchiste de la fin du 19e et grand existant – disait : " Voter, c'est abdiquer. " Ce n'est pas moi qui le dis, ce n'est pas le petit Bégaudeau, comme ça, qui arrive un peu énervé et un peu foutraque. Ce sont des gens respectables, contrairement à moi. Et qu'est-ce que ça veut dire " voter, c'est abdiquer " ? C'est qu'effectivement, je pense que ça habitue les gens à déléguer le pouvoir, à s'en déposséder, plutôt que de le posséder. C'est-à-dire que le grand élément de langage sur l'élection, c'est là où le peuple souverain exerce sa souveraineté, puisque voilà, on lui donne la parole, c'est lui qui décide, etc. Mais c'est le contraire. Quand je vote, je suis en train de dire : " Bah, je délègue. En fait, je fais appel à un prestataire. " »



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