POLITIQUE

Publié le 29 septembre 2022

« Une réforme des retraites, mais pour quoi faire ? » L'analyse pertinente de Clément Viktorovitch

Clément Viktorovitch intervenait lors de l'émission « Quotidien » diffusée sur TMC ce mardi 27 septembre 2022.

« Mais pour quoi faire ? »

Yann Barthès : « Clément, tu reviens toi aussi sur les retraites. » Clément Viktorovitch : « Oui Yann, j'ai voulu me poser une question finalement assez simple : une réforme des retraites, pourquoi pas, mais pour quoi faire ? Et paradoxalement, plus on écoute les membres du gouvernement et moins la réponse semble évidente. Voilà ce qu'on entendait il y a encore quelques mois. » Emmanuel Macron : « Nous sommes un pays qui vieillit. Et donc ce n'est pas vrai qu'on peut continuer à partir au même âge si on veut financer la retraite, parce qu'il y a de plus en plus de monde à la retraite. » Élisabeth Borne : « Pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps. » Édouard Philippe : « Il faudra travailler plus longtemps. » Stanislas Guerini : « Oui, il faut travailler plus longtemps. » Emmanuel Macron : « C'est travailler plus longtemps. » Clément Viktorovitch : « Alors il faudrait travailler plus longtemps, soit, mais pour sauver notre système par répartition. L'argument est percutant, ça nous parle à tous. »

« Ce qui justifierait une réforme du système de retraite »

Clément Viktorovitch : « Mais est-il pour autant rigoureux ? Eh bien, rien n'est moins sûr, si l'on en croit le Conseil d'orientation des retraites. Rapport après rapport, il ne cesse de répéter que le poids des retraites, quand on le rapporte au PIB de la France, est en fait stable sur la longue durée. Dans l'édition 2022, le Conseil d'orientation précise même : " Ce rapport ne valide pas l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite. " On saurait difficilement faire plus clair. Et pourtant, c'est bien ce même rapport 2022 qui a été brandi par le ministre du Travail, Olivier Dussopt, pour justifier la nécessité d'une réforme imminente. » Olivier Dussopt : « Ce rapport dit que dès 2023, ce sont presque 2 milliards d'euros de déficit. En 2027, c'est-à-dire demain, plus de 12 milliards de déficit, et en 2030, une vingtaine de milliards de déficit. Il nous faut agir pour à la fois améliorer le système de retraite et le préserver dans le temps. » Clément Viktorovitch : « Plusieurs dizaines de milliards d'euros à combler, donc, dans les prochaines années : voilà, au fond, ce qui justifierait une réforme du système de retraite. »

« Vous l'entendez, cette réforme des retraites financerait la protection sociale »

Clément Viktorovitch : « Alors c'est vrai, en tout cas quand on lit le dernier rapport du COR, qui pointe effectivement un risque de déséquilibre sur les 25 prochaines années. Il n'en reste pas moins qu'un déficit temporaire et relativement modéré – c'est ce que dit le rapport –, ce n'est pas exactement la même chose qu'un péril structurel et imminent sur les retraites. Et encore, quand on écoutait ce matin Bruno Le Maire, on pouvait même en venir à se demander si tout cela est vraiment, vraiment une affaire de retraites. » Bruno Le Maire : « Cette réforme de retraites est indispensable pour notre pays. Elle est indispensable pour financer notre modèle de protection sociale : il faut bien financer nos hôpitaux, nos collèges, nos lycées, nos universités... Et c'est la réforme des retraites qui permettra de garantir ce financement. » Clément Viktorovitch : « Alors, vous l'entendez, cette réforme des retraites ne servirait plus seulement à sauver le système par répartition, ni même à combler les déficits, elle financerait la protection sociale. Donc, non plus seulement les retraites, mais aussi le système de santé, la dépendance, la politique familiale, la lutte contre la pauvreté... »

« Le gouvernement pourrait tout aussi bien couper d'autres dépenses ou augmenter certains impôts »

Clément Viktorovitch : « Et ça ne s'arrête pas là. Bruno Le Maire parle explicitement des collèges, des lycées, des universités, c'est-à-dire le financement de nos services publics. Et Emmanuel Macron a même évoqué le financement de la transition écologique. Plus rien à voir, donc, avec le modèle social. Alors, pourquoi pas ? C'est une option. Mais contrairement à ce que laisse entendre le ministre de l'Économie, ce n'est en aucun cas la seule option pour financer son budget, puisque c'est de ça qu'on parle manifestement. Le gouvernement pourrait tout aussi bien couper d'autres dépenses ou augmenter certains impôts. Qu'on se comprenne bien, faut-il faire cotiser les Français plus longtemps ? C'est un choix politique, mais un choix lourd de conséquences pour des millions de travailleurs. Si telle est la volonté du gouvernement, il me semble qu'il a le devoir de nous donner clairement quelles sont ses raisons. Sinon, je crois que c'est la sincérité de son action qui pourrait être remise en question. »



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