POLITIQUE

Publié le 06 novembre 2022

Cabinets de conseil : L'État sous influence ?

Éliane Assassi, sénatrice, intervenait lors du magazine « Sénat en action » diffusé ce samedi 7 novembre 2022 sur Public Sénat.


“ Une demi-douzaine de cabinets de conseil ont aidé l'État. ”

Au cours d'une quarantaine d'auditions, les sénateurs vont entendre 47 personnes sous serment. Plusieurs ministres sont également convoqués au Sénat. La porte d'entrée du travail des sénateurs, c'est la crise. Une demi-douzaine de cabinets de conseil ont aidé l'État dans la distribution des masques, des tests. Les sénateurs veulent savoir dans quel cadre. Olivier Véran : « Le positionnement du cabinet de conseil est très clair. Il vient toujours en appui ou conseil d'un chef de projet interne à l'administration dans le cadre d'une expression de besoins clairement définis et avec des livrables clairement identifiés. L'objectif est que la prestation de conseil permette pleinement d'éclairer le décideur public. Mais que les choses soient claires, jamais, jamais elles ne s'y substituent. » Arnaud Bazin : « Je me souviens en effet de cette audition qui avait toutes les allures d'une récitation, d'un protocole parfaitement défini au préalable, respecté et vérifié. Dans la vraie vie, les choses ne se sont pas du tout passées comme ça. » La commission d'enquête a fait une demande au ministère de la Santé en décembre 2021. Elle entend disposer de tous les documents rédigés par des cabinets de conseil ou auxquels ils ont eu accès. Éliane Assassi : « Vous savez qu'une commission d'enquête a un certain nombre de prérogatives. Donc, nous avions la possibilité de demander un certain nombre de documents à la fois aux administrations, aux cabinets ministériels et à des cabinets privés.


“ J'avais des documents qui montraient cette intrusion. ”

Et donc ils sont pratiquement... Enfin, ce n'est pas pratiquement, ils sont dans l'obligation de nous fournir ces documents, ce qui nous a été forcément beaucoup utile dans nos travaux. » Vers 19h30, la veille de l'audition d'Olivier Véran, les sénateurs reçoivent ainsi plus de 5000 documents, des fichiers que l'administration a mis un mois et demi à fournir au Sénat. Arnaud Bazin : « Nos administrateurs, ici au Sénat, les ont reçus très, très tardivement, un très grand nombre de documents, ce qui ne les a pas empêchés quand même, pendant la nuit, de les examiner d'assez près pour en faire une certaine classification. Et puis pour se rendre compte qu'en effet, aucun n'était logoté. » Éliane Assassi : « J'avais des documents qui montraient effectivement ce recours exponentiel et cette intrusion, en fait, de consultants, de cabinets privés, dans la prise de décisions stratégiques et politiques. Et c'est là où le bât blesse. Et je pense que ça, c'est le cœur du sujet. » Olivier Véran : « Ce ne sont pas des livrables, pardonnez moi, ce sont des documents internes au ministère qui relèvent des équipes du ministère et auxquelles McKinsey a participé. » Éliane Assassi : « Vous nous avez dit que ce document, que je remontre, est un document qui a été réalisé par les services du ministère ? » Olivier Véran : « Oui, madame la sénatrice. » Éliane Assassi : « Ma question est simple : est-ce que McKinsey est intervenu sur l'élaboration de ce document ? »


“ Cette perversité et cette capacité qu'ont les cabinets conseil de pouvoir passer pour être des fonctionnaires. ”

Olivier Véran : « McKinsey a renforcé l'ensemble des équipes. Et donc ce n'est pas un document McKinsey, c'est un document... » Éliane Assassi : « Non, mais je n'ai pas dit ça, j'ai bien précisé que c'était un document du ministère. Mais est-ce que McKinsey est intervenu ? » Olivier Véran : « Je vous réponds que McKinsey a contribué à ces documents. » Éliane Assassi : « Donc il est intervenu. » Non mais, ils sont intervenus au sein des équipes. Éliane Assassi : « Non mais, je constate, moi. » Olivier Véran : « Bien sûr, j'ai aucun problème avec ça. » Arnaud Bazin : « On va préciser un peu les choses, puisqu'en effet, on est en commission d'enquête, il faut que les définitions soient précises. » Éliane Assassi : « Ses réponses étaient accompagnées d'un verbiage complètement incompréhensible mais qui m'a fait dire tout de suite qu'il était sur la défensive. Et dans cette audition de monsieur Véran, je lui ai montré une lettre du ministère avec deux noms, dont l'un des deux est en fait le nom d'un consultant d'un cabinet privé. Et donc cette perversité et cette capacité qu'ont les cabinets conseil à intégrer des équipes dans l'administration ou dans les cabinets et, au bout du bout, de pouvoir passer pour être des fonctionnaires. » Les sénateurs en sont persuadés avec les documents de gestion de la crise, il y a bien une zone d'ombre en matière de décisions politiques. Une accusation que ne comprennent pas les principaux intéressés. Olivier Véran : « D'abord, là, on parle d'une situation qui est absolument exceptionnelle. » Arnaud Bazin : « L'idée, c'était d'aller rechercher si, au-delà de cette crise, il y avait une influence de plus en plus importante ou pas de ces cabinets de conseil sur l'État. »



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