POLITIQUE

Publié le 05 mars 2022

«Comment on a confié les clés de la maison à des cabinets de conseil ?» L'enquête choc de ces 2 journalistes

Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre étaient les invités de l'émission «L'Invité de 7h50» diffusée ce mardi 15 février 2022 sur France Inter.

«Comment on a confié les clés de la maison à des cabinets de conseil ?»

Léa Salamé: «Les Infiltrés, ce sont les consultants. Les cabinets de conseil qui, selon vous, ont pris le contrôle de l'Etat, ont mis les ministères sous emprise et leur facture : des millions d'euros, rapports et autres préconisations. Arrêtons de donner autant de pouvoir et d'argent aux consultants, dites-vous. Vous parlez, Matthieu Aron, d'un putsch rampant qui est en train de changer le visage de la France. Vous parlez d'un suicide assisté de l'État. Pourquoi est-ce si grave, selon vous ?» Matthieu Aron: «D'abord parce qu'on n'est pas au courant. Donc, c'est quelque chose qui s'est passé dans une forme de secret. Et ce qu'on raconte, ce qu'on détaille, c'est tout un système qui s'est mis en place progressivement ces quinze dernières années en France. Comment, en fait, on a confié la stratégie, l'organisation, les économies à faire dans tous les services publics. Comment, en fait, on a confié les clés de la maison à ces cabinets de conseil ? Or, un, on ne le sait pas et deux, ces cabinets n'ont aucune légitimité démocratique. Si j'ose dire, on ne va pas voter en avril prochain pour tel ou tel cabinet de conseil.»

«C'est de la rigueur budgétaire»

Caroline Michel-Aguirre: «Ce que l'on constate, c'est que dans tous les ministères, que ce soit dans les armées, dans les hôpitaux où on ne peut plus rien faire sans demander son avis à la Cour des comptes, au Conseil d'État, au ministère de l'Éducation, par exemple, 496 000 euros dépensés pour un rapport sur l'évaluation du métier futur d'enseignant ou 235 000 euros pour un guide du télétravail. C'est devenu systématique, c'est le sentiment que l'Etat ne peut plus rien faire tout seul, sans demander un rapport d'abord, puis faire faire.» Matthieu Aron: «L'Etat dépense des fortunes pour essayer de se transformer. Ces consultants vendent des solutions toutes faites.» Caroline Michel-Aguirre: «Systématiquement les politiques, vous avez cité Olivier Véran, mais tout le monde le dira que c'est un appui technique, ce sont des économies, c'est de la rigueur budgétaire, ça n'est pas politique, c'est tout le contraire, c'est extrêmement politique. Quand McKinsey dit il y a deux ans : " Il y a entre 20 et 25% de lits d'hôpitaux en trop en France. " Evidemment, c'est extrêmement politique. Parce que vous allez voir le ministère de la Santé, vous lui dites : " Vous avez un quart d'hôpitaux en trop; " Donc forcément, je vais vous expliquer comment réduire les hôpitaux. Et là, il y a toute une technique, tout un tas de mesures qui en découlent : fusion des hôpitaux, regroupement des blocs opératoires.»

«Il parle comme eux, il s'habille comme eux, il pense comme eux»

Caroline Michel-Aguirre: «Et derrière, c'est McKinsey ou d'autres qui le font. Et ça, c'est pareil dans l'armée, etc. Donc, c'est extrêmement politique. Ça n'est pas que de l'appui, c'est une vision de nos services publics demain.» Matthieu Aron: «Quand on regarde, on s'aperçoit qu'en 2017, dans l'entourage d'Emmanuel Macron il y a un nombre de consultants assez incroyable. Il y a au moins une quinzaine de consultants qui vont travailler à sa campagne. Et puis après, on se rend compte que c'est le candidat, quelque part, des consultants. On a rencontré Alain Minc, que vous aviez ici dans son studio hier, qui nous dit : " Mais vous ne pouvez pas imaginer, c'est incroyable, il parle comme eux, il s'habille comme eux, il pense comme eux. Vous savez, Thomas Legrand, tous les matins, cherche à définir ce qu'est le macronismes. Quelqu'un qui vend l'art mystérieux du changement, qui vous parle d'agilité et qui vous parle de transformation, qui n'a à la bouche que le terme de modernisation, c'est un consultant. Le problème, c'est au service de quoi ? Au service de qui ? C'est le problème des consultants. Et effectivement, c'est les questions qu'on se pose vis à vis du macronisme.»



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