POLITIQUE

Publié le 29 octobre 2022

Corruption chez les politiques : Jean-Michel Aphatie reste sans voix après l'intervention d'une avocate, militante anti corruption, et d'un journaliste

Élise Van Beneden était l'invitée de l'émission « C ce soir » diffusée sur France 5 ce jeudi 27 octobre 2022.


“ La corruption a été évalué en France, par an, par le Parlement européen, à 120 milliards d'euros. ”

Fabrice Arfi : « À force de s'habituer et de ne pas tirer la leçon de choses que les affaires nous racontent, et nous, journalistes, je m'inclus évidemment dedans, de donner parfois le sentiment que les affaires, c'est une sorte de fait divers spectaculaire de tir au pigeon, avec des gens qui tombent, des gens qui s'en sortent, et de ne pas faire la pédagogie de ce que ça nous raconte profondément, oui, d'un pourrissement. La corruption, c'est l'origine étymologique du mot, c'est un pourrissement. » Élise Van Beneden : « Moi j'ai un chiffre à vous donner quand même, parce que le coût de la corruption a été évalué en France, par an, par le Parlement européen, à 120 milliards d'euros. C'est plus que l'évasion fiscale. Donc si vous êtes en train de vous demander si c'est un rhume ou un cancer, la réponse elle est là. » Jean-Michel Aphatie : « Mais ils ne l'ont évalué qu'en France ? Cette corruption, elle n'est évaluée qu'en France ? » Élise Van Beneden : « Elle est évaluée dans toute l'Union européenne. » Jean-Michel Aphatie : « Dans chaque pays ? » Élise Van Beneden : « Oui. » Jean-Michel Aphatie : « Donc, dans les autres pays c'est beaucoup moins, beaucoup plus ? »


“ On compense le coût de la corruption en payant plus d'impôts. ”

Élise Van Beneden : « Sur l'Union européenne, le total, c'est 980 milliards. Donc nous, on est à 120 milliards sur 980 milliards. » Jean-Michel Aphatie : « Bon voilà, mais d'autres pays aussi. » Karim Rissouli : « Un septième en France. » Élise Van Beneden : « Donc c'est un chiffre qui est vérifié, si vous voulez. Donc ça veut dire que la corruption est un phénomène systémique en France, que c'est un sommet énorme, que c'est un énorme problème. Et de savoir : pourquoi est-ce que les citoyens continuent à voter pour des personnes qui ont des casseroles ? Bah ça, c'est une question que l'on se pose continuellement à Anticor. On essaye d'informer sur ces sujets-là. Moi, je crois que les citoyens ne se rendent pas compte qu'ils sont victimes de la corruption. Ils ne se rendent pas compte que la corruption, elle provoque énormément de préjudices. Il y a moins de services publics, on compense le coût de la corruption en payant plus d'impôts. On vit des injustices, parce qu'on n'accède pas à des emplois publics, par exemple, parce qu'on n'accède pas à telle ou telle aide, parce que telle entreprise a un marché public parce qu'elle connaît le maire ou le conseiller régional. Et donc c'est ça qu'il faut dire, que la corruption, les citoyens en sont victimes. Et peut-être qu'ils commenceront à voter autrement. »


“ J'ai parfois un peu l'impression que c'est comme le nuage de Tchernobyl. ”

Fabrice Arfi : « Et Jérôme Cahuzac, c'est un très bon exemple de ce que j'appelle " la sédimentation du sentiment d'impunité ". Qu'est-ce qui fait que, quand François Hollande l'appelle pour lui dire : " Jérôme, j'envisage de te nommer ministre du Budget " – c'est donc, je le redis, le ministre qui doit lutter contre la fraude fiscale, notamment, au sein du gouvernement – que lui, il sait parfaitement qu'il a un compte non déclaré en Suisse et un autre à Singapour et qu'il est un fraudeur fiscal depuis plus de 20 ans. Qu'est-ce qui fait qu'il se dit : " Bah, je vais accepter ce poste. " Je crois que c'est le sentiment d'impunité. Qu'est-ce qui fait que Claude Guéant laisse traîner dans le secrétaire de son appartement parisien la trace d'un virement de 500 000 € qui va causer sa perte dans l'affaire des financements libyens ? Il est présumé innocent. C'est le sentiment d'impunité. Qu'est-ce qui fait que Claude Guéant, le même qui a été le directeur général de la police nationale, ministre de l'Intérieur, détourne l'argent des enquêtes de la police nationale, en espèces ? Il a été condamné pour ça définitivement, et comme il n'a même pas respecté sa condamnation, ça lui a valu quelques semaines de prison. C'est le sentiment d'impunité. Et la phrase que vous citez, c'est une phrase qui est inspirée par... C'est pas moi qui le dis, en fait, c'est un magistrat italien, Roberto Scarpinato, avec qui je vous invite, Jean-Michel, à parler de la France. Puisque, j'ai parfois un peu l'impression que c'est comme le nuage de Tchernobyl, vous voyez, les problèmes se sont arrêtés à la frontière ! Roberto Scarpinato raconte ça très bien, que la meilleure des sanctions, la plus efficace des sanctions dans la lutte contre le cr*me, qu'il soit financier ou autre, avant la sanction judiciaire, c'est la honte sociale. »



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