POLITIQUE

Publié le 09 août 2022

Face à une sénatrice indignée, Élisabeth Borne explique qu'elle ne taxera pas les superprofits

Éliane Assassi, sénatrice, intervenait lors de la séance publique au Sénat ce mercredi 27 juillet 2022.

« Bientôt, ce n'est plus de pouvoir d'achat qu'il faudra parler, mais de pouvoir de vivre »

Éliane Assassi : « Madame la Première Ministre, mes chers collègues. L'évidence est là : l'inflation galope, jusqu'à 7 % d'ici la fin de l'année, tandis que le pouvoir d'achat des Français recule de 2,9 % sur les premiers trimestres. L'évidence, c'est que les Français les moins aisés souffrent. Bientôt, ce n'est plus de pouvoir d'achat qu'il faudra parler, mais de pouvoir de vivre. L'évidence, c'est qu'en 2021, les entreprises du CAC 40 ont réalisé 174 milliards d'euros de bénéfices, explosant le record de 2007 de 100 milliards. 80 milliards de dividendes ont été reversés aux actionnaires, ces gens qui profitent du travail des autres. Et les salaires des patrons ont augmenté de 23 %. L'occasion d'une petite valse du " en même temps ", Emmanuel Macron dénonçait au dernier G7 les profiteurs de guerre et les spéculateurs, mais temporisait dès le 14 juillet : il y aurait une contribution, certes, mais pas dans la démagogie. »

« Ce n'est pas au conseil d'administration de décider de la participation des entreprises à l'effort national, mais au Parlement »

Éliane Assassi : « Vous-même, Madame la Première Ministre, adoptiez l'art du contre-temps : " S'il y a des gens qui tirent des profits de la crise, on souhaiterait que ça puisse bénéficier à tout le monde. " Et vous précisiez que nous n'étions pas dans la situation de nos voisins qui ont instauré une taxe sur les superprofits. Superprofits, le mot est lâché. Dans le domaine énergétique et du transport maritime en particulier : Total, plus de 15 milliards en 2021, 5 milliards au premier trimestre 2022. La CMA-CGM a vu son bénéfice multiplié par dix en 2021. Nous ne leur demandons pas une aumône de 20 centimes ou une remise de 250 € par transport de conteneurs. Nous exigeons une contribution par l'impôt, qui, pour autant qu'il soit juste, est un pilier de la République. Ce n'est pas au conseil d'administration de décider de la participation des entreprises à l'effort national, mais au Parlement, en l'inscrivant dans la loi, en toute transparence. »

« Le gouvernement va-t-il déposer dans le projet de loi de finances rectificative un amendement pour taxer les superprofits ? »

Éliane Assassi : « C'est une question de démocratie. Madame la Première Ministre, le gouvernement va-t-il déposer dans le projet de loi de finances rectificative un amendement pour taxer les superprofits ? Ou, a minima, soutenir les amendements parlementaires, y compris de vos amis, qui vont aussi en ce sens. » Gérard Larcher : « Pour vous répondre, la parole est à Madame la Première Ministre. » Élisabeth Borne : « Notre priorité, c'est bien de protéger le pouvoir d'achat des Français. C'est pourquoi, plutôt que de laisser filer les profits et de les taxer ensuite sans effets directs pour nos concitoyens, nous avons préféré mettre les entreprises face à leurs responsabilités et obtenir des résultats concrets. C'est ainsi que Total Énergies a annoncé une remise de 20 centimes sur les carburants. C'est ainsi que nous avons obtenu de CMA-CGM une baisse des prix du transport des containers. Ce sont des mesures concrètes pour le pouvoir d'achat des Français. »

« Nous serons attentifs à ce que chacun prenne ses responsabilités »

Élisabeth Borne : « Et je crois aussi qu'un engagement dans la durée est préférable à une taxation ponctuelle. C'est le sens des mesures que nous vous proposons dans les textes sur le pouvoir d'achat. Nous permettons en particulier aux entreprises d'accompagner leurs salariés face à la hausse des prix du carburant, en doublant le plafond de la prime transport. Nous attendons également des entreprises qu'elles soutiennent les revenus de leurs salariés, notamment en se saisissant de la prime de partage de la valeur et des dispositifs d'intéressement et de participation. Et puis, de plus, nous demandons à toutes les branches dont les minima sont inférieurs au smic qu'elles ouvrent sans délai des négociations pour revaloriser leurs grilles. Madame la présidente, je veux le dire également, nous serons attentifs à ce que chacun prenne ses responsabilités. Et nous serons prêts à agir, s'il le faut, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Je vous remercie. »



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