POLITIQUE

Publié le 29 août 2023

Gabriel Attal a-t-il vraiment le droit d'interdire l'Abaya ?

Le Conseil d'État face à l'interdiction de l'abaya

Le débat s'intensifie autour de la légalité de l'interdiction de l'abaya dans les établissements scolaires français. Tandis que le gouvernement défend le caractère religieux de ce vêtement, de nombreux spécialistes du droit constitutionnel soulèvent des interrogations quant à cette démarche.

Suite à la déclaration de Gabriel Attal interdisant l'abaya à l'école, Manuel Bompard, le représentant de La France insoumise, envisage de contester cette décision devant le Conseil d'État. Selon lui, cette mesure va à l'encontre des principes constitutionnels. Cette interrogation renforce la problématique : peut-on réellement prohiber une tenue qui, bien qu'ample, laisse apparaître le visage et les mains?

Interprétations divergentes de la laïcité

L'abaya, selon Patricia Rrapi, une experte en droit public, soulève une interprétation très élargie du concept de laïcité. Bien que la loi de 2004 ait mis en lumière l'interdiction des "signes religieux ostentatoires" dans les établissements publics, l'abaya reste un sujet de débat. En effet, ce vêtement peut-il réellement être classifié comme un signe religieux?

Un point de vue intéressant est celui d'Abdallah Zekri, vice-président du Conseil français du culte musulman, qui considère l'abaya davantage comme une tendance mode qu'une affirmation religieuse. Cette perspective est également partagée par Haoues Seniguer, spécialiste de l'islamisme. Pour lui, la véritable interrogation repose sur l'intention des porteuses d'abaya : est-ce une affirmation de foi ou un choix esthétique?

L'abaya en France : un phénomène récent

L'apparition de l'abaya en France est récente. Influencées par les réseaux sociaux, en particulier TikTok, de jeunes filles adoptent cette tenue pour diverses raisons. Pour certaines, l'ampleur de la robe est un moyen d'affirmer leur pudeur, tandis que pour d'autres, c'est une manière astucieuse de contourner la loi de 2004 interdisant les signes religieux à l'école.

Sonia Backès insiste sur le fait que l'abaya n'est pas une simple tendance vestimentaire, mais bien un signe religieux. Le gouvernement envisage donc d'établir une base juridique solide pour justifier cette interdiction avant un probable recours au Conseil d'État. Paul Cassia, constitutionnaliste, précise que le gouvernement devra prouver le caractère religieux de l'abaya pour que cette interdiction soit jugée légale.

Les enjeux d'une validation juridique

Si l'argumentaire du gouvernement ne parvient pas à prouver la dimension religieuse de cette tenue, son interdiction pourrait être remise en question. Dans ce cas, la décision de permettre ou non le port de l'abaya reviendrait à chaque chef d'établissement. Cependant, même en cas d'approbation par le Conseil d'État, d'autres contestations sont à prévoir. Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, suggère que certaines familles pourraient plaider en faveur de l'abaya pour des raisons non religieuses.

Un défi majeur pour le gouvernement reste l'inconstance du Conseil d'État sur les questions religieuses, comme le souligne le juriste Bertrand Mathieu. En effet, les décisions précédentes du Conseil d'État sur des questions similaires, telles que le port du hijab lors de compétitions de football ou le burkini dans les piscines, ont montré une variabilité dans les jugements. Cela rend la prédiction sur l'issue de l'affaire de l'abaya d'autant plus incertaine.



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