POLITIQUE

Publié le 18 août 2021

L'intervention piquante du docteur Gérald Kierzek: «Le passe n'est pas un totem d'immunité»

Le Docteur Gérald Kierzek intervenait dans l'émission «LCI Tout Info» diffusée ce lundi 9 août 2021.

«Le passe sanitaire n'est pas un totem d'immunité»

Magali Lunel: «Est-ce que ce passe sanitaire est utile ?» Dr Gérald Kierzek: «Ce passe sanitaire est utile plus pour pousser les gens à se vacciner. On a bien vu quand il y a eu les annonces du président de la République, il y a eu immédiatement un effet booster sur les vaccinations et c'est ça l'objectif. Beaucoup plus qu'un contrôle de l'épidémie, ce n'est pas le passe sanitaire en lui-même qui va maîtriser l'épidémie, voire même, il pourrait être contreproductif. Et quand j'entends la petite musique qui est de dire : " Si vous avez votre passe sanitaire, si vous êtes vacciné ou vous avez un test de moins de 72 heures, etc. Vous pourriez relâcher les gestes barrières. " Je dis que là, il faut faire très attention parce que ce n'est pas parce qu'on a un passe sanitaire, ce n'est pas parce qu'on est vacciné qu'il faut relâcher les gestes barrières, en particulier à l'intérieur, où l'on sait que le coronavirus se transmet dans un endroit fermé, peu ventilé, là où il faudrait continuer à porter le masque. Il faut donc faire très attention, le passe sanitaire n'est pas un totem d'immunité, ce n'est absolument pas le cas. L'autre chose, on entend aussi la petite musique sur les libertés publiques, etc.»

«On va contrôler, on va fliquer tout le monde avec un passe sanitaire»

Dr Gérald Kierzek: «Moi, ce qui m'ennuie, c'est en terme déontologique, le fait de présenter un espèce de document médical pour pouvoir accéder à des lieux avec toutes les incohérences qu'on a vues. Pourquoi, pas dans le métro alors que dans le train c'est obligatoire. Ça ne sera pas pour toutes les populations non plus. Donc, je pense qu'il faut faire extrêmement attention. Il faut rappeler qu'il est limité ce passe sanitaire. Il est limité jusqu'au 15 novembre, puisque le Conseil constitutionnel a donné une date butoir. Il ne faut pas que s'instaure dans la société cette espèce de facilité qui est de dire : " Bon, on va contrôler, on va fliquer tout le monde avec un passe sanitaire, avec des choses qui sont sur des données médicales extrêmement sensibles que finalement, il y ait une espèce de digue du secret médical qui soit rompue. "» Magali Lunel: «Sur le port du masque, effectivement, ça nous paraît un peu contradictoire. Les décrets d'application ont été publiés hier. Et il pourrait ne plus être obligatoire dans les lieux où le passe sanitaire est exigé.»

«Ça serait vraiment une bêtise sans nom et ça ferait redévelopper les clusters»

Dr Gérald Kierzek: «C'est là où je dis que ce passe sanitaire, si c'est le cas, c'est-à-dire que si avec votre passe sanitaire vous pouvez ne plus avoir le masque et le geste barrière, en termes pédagogiques, le message est très mauvais. Mais surtout en termes d'évolution de l'épidémie, on risque de redévelopper des clusters, ça aggraverait. Et vous savez que je suis ni dans les alarmistes, ni dans les rassuristes. Je suis plutôt pragmatique avec des mesures de long terme tenables. Et qu'est-ce que l'on connait sur ce coronavirus ? C'est qu'il se transmet dans les lieux clos, quand il y a du monde, avec un brassage de populations.» Magali Lunel: «Vaccinés ou pas ?» Dr Gérald Kierzek: «Vaccinés ou pas ! On sait très bien que le vaccin ne protège pas à 100%. Donc, aller conditionner la levée des mesures barrières, en particulier dans des lieux clos qui sont des lieux de forte propagation, surtout s'il y a des supercontaminateurs, ça serait vraiment une bêtise sans nom et ça ferait redévelopper les clusters.»

«Passe sanitaire ou pas, on aura des clusters encore»

Dr Gérald Kierzek: «On peut parler de l'hôpital aussi. La Fédération hospitalière française a estimé à 60 millions d'euros par mois le coût du contrôle de ce passe sanitaire à l'hôpital. Embaucher des vigiles, de 15 à 40 vigiles, etc. Avec ces 60 millions d'euros, qu'est ce qu'on pourrait faire ? On pourrait embaucher des soignants, on pourrait faire plein d'autres choses, voire même construire des hôpitaux. Mais ce n'est pas ça qui va empêcher les clusters dans les hôpitaux. Vous avez beau avoir mis en place ce passe sanitaire, si vous ne faites pas des opérations de contrôle des personnels avec des systèmes d'autotests ou de tests rapides extrêmement régulièrement, c'est-à-dire des opérations de dépistage dans les hôpitaux toutes les semaines. Passe sanitaire ou pas, on aura des clusters encore. Donc on voit bien que ce n'est absolument pas une garantie, une assurance vie complète.»

«Je préférerais que le budget soit mis sur ces autotests pour protéger les malades et les soignants»

Magali Lunel: «Olivier Véran disait que c'était pour en faire des sanctuaires.» Dr Gérald Kierzek: «Mais on ne fera pas des sanctuaires avec un passe sanitaire. D'abord parce que, et heureusement, les urgences ne sont pas concernées. Après, ça va être très compliqué de contrôler. Ce n'est pas parce que vous avez un test négatif ou vous êtes vacciné que vous n'êtes pas porteur du virus. Donc, je crois qu'il faut arrêter de penser que le passe sanitaire, c'est-à-dire un QR code ou un bout de papier, c'est quelque chose qui vous donne une garantie à 100% de ne pas transmettre le virus. On devrait faire une à deux fois par semaine des campagnes d'autotests et moi, je préférerais que le budget soit mis sur ces autotests pour protéger les malades et les soignants et régulièrement tester les aides soignants, les médecins, les brancardiers. Imaginez un brancardier qui est avec le virus, qui est porteur du virus. Même s'il est vacciné, il va brancardier des dizaines ou des centaines de malades par semaine. Et s'il n'est pas testé régulièrement, et bien, ce sont des clusters qui vont se développer. Donc, ces campagnes de pooling salivaires qui sont faites ailleurs, aux Etats-Unis notamment, et bien elles ne sont pas faites en France.»



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