POLITIQUE

Publié le 19 mai 2024

Pfizergate : 36 milliards d'euros de doses conclues par SMS ? L'Union européenne au bord d'un des plus gros scandales

Les Révélations Initiales

En avril 2021, le New York Times a dévoilé une information qui a ébranlé les hautes sphères de la Commission européenne. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, aurait négocié directement par SMS avec Albert Bourla, le PDG de Pfizer, un contrat monumental de 1,8 milliard de doses de vaccin contre le Covid-19. Cette transaction, s'élevant à 36 milliards d'euros, aurait été conclue en dehors des procédures commerciales habituelles de l'Union européenne.

Le 17 mai dernier, une première audience s'est tenue au Tribunal de Liège pour déterminer si c'est la justice belge ou le Parquet européen (EPPO) qui sera compétent pour poursuivre l'instruction de cette affaire, désormais surnommée le « Pfizergate ». À seulement trois semaines de l'élection pour un nouveau mandat à la tête de la Commission européenne, cette situation met Ursula von der Leyen dans une position délicate.

Les Faits Reprochés

Selon les révélations du New York Times, Ursula von der Leyen aurait contourné les règles commerciales en vigueur pour négocier directement avec le patron de Pfizer. En mars 2021, la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, a défendu sa cheffe en affirmant que celle-ci n'avait joué aucun rôle dans la négociation des contrats de vaccins Covid.

Cependant, Albert Bourla, PDG de Pfizer, a déclaré dans son livre qu'il avait établi une « relation étroite avec [Ursula von der Leyen] par le biais de SMS et d'appels téléphoniques » dès janvier 2021. Ces déclarations jettent un doute sérieux sur les affirmations de la Commission européenne et renforcent les accusations de conflit d'intérêts.

Un Silence Suspect

Depuis les révélations, de nombreuses entités ont demandé à Ursula von der Leyen de rendre public ses échanges de SMS avec Albert Bourla. La Commission Covid de l'UE, la médiatrice de l'Union européenne Emily O'Reilly, le parquet européen et la Cour des comptes européenne ont tous essuyé un refus catégorique.

En février 2023, le New York Times a saisi la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) pour obtenir la divulgation des SMS après que leur demande d'accès aux documents a été rejetée. La CJUE a alors déposé une plainte administrative contre la Commission européenne, qui continue de refuser de révéler le contenu des SMS, voire d'en confirmer l'existence. Ursula von der Leyen a affirmé que « tout ce qui était nécessaire à ce sujet a été dit et échangé. Et nous attendrons les résultats. »

Si ces SMS existent, ils deviendraient des documents administratifs au sens du droit européen, et leur rétention constituerait une violation des droits consacrés dans la constitution européenne. Leur suppression éventuelle constituerait une destruction de documents administratifs, un acte grave en droit européen.

La Plainte de Frédéric Baldan

En avril 2023, Frédéric Baldan, un lobbyiste belge spécialisé dans les relations commerciales entre la Chine et l'UE, a déposé une plainte contre Ursula von der Leyen auprès d'un juge de Liège. Il l'accuse de « prise illégale d'intérêts et corruption », « usurpation de fonctions et de titre » et « destruction de documents publics ». Il affirme subir un préjudice moral en raison de la perte de confiance dans l'Union comme puissance de réalisation du bien commun.

Baldan estime que les finances publiques belges ont été lésées par les négociations menées par Ursula von der Leyen avec Pfizer. Selon l'Institut de santé publique Sciensano, fin 2022, la Belgique avait reçu 40,4 millions de doses de vaccins contre le Covid-19, dont 27,9 millions provenant de Pfizer. Baldan considère cela comme un privilège accordé à Pfizer. De plus, fin 2023, il a été révélé que 4 milliards d'euros de doses avaient été gaspillés, obligeant à renégocier le contrat avec Pfizer.

Les Enjeux Juridiques

Le Tribunal de Liège devait décider, le 17 mai, si la justice belge ou le Parquet européen (EPPO) est compétent pour instruire la plainte contre Ursula von der Leyen. L'EPPO, qui traite des affaires transnationales et du budget de l'UE, a pris en charge la plainte belge et a présenté son réquisitoire à Liège. Cependant, le juge d'instruction belge souhaite poursuivre son enquête. Le Tribunal de Liège a décidé de remettre le dossier au 6 décembre prochain pour permettre aux parties de se prononcer sur la compétence du parquet européen.

Un Contexte Complexe

En attendant cette décision, des révélations ont ajouté une nouvelle couche de complexité à l'affaire. En juin 2023, Frédéric Baldan a perdu son accréditation de lobbyiste professionnel par le registre de la transparence de l'Union européenne, une autorité dépendant d'Ursula von der Leyen elle-même. Cette situation soulève des questions sur l'objectivité et l'impartialité des mesures prises à son encontre.

Cette affaire soulève des questions fondamentales sur la transparence et l'intégrité des institutions européennes. Elle met également en lumière les défis juridiques et éthiques auxquels sont confrontés les dirigeants de l'Union européenne dans la gestion des crises sanitaires et économiques. Les prochaines étapes de l'enquête détermineront non seulement l'avenir politique d'Ursula von der Leyen, mais aussi la confiance du public dans les mécanismes de gouvernance de l'UE.



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