POLITIQUE

Publié le 05 mai 2022

Une ex-LREM déballe tout sur son rôle de députée : « Nous, les parlementaires, ne pouvons pas travailler sur les textes »

La députée Annie Chapelier était l'invitée de l'émission « Le 13-14 » diffusée sur France Inter ce mardi 3 mai 2022.

« Le groupe pléthorique que nous étions »

Jérôme Cadet : « Concrètement, vous dites : " Il n'y a pas de contradiction possible, il n'y a pas de débat. Il n'y avait pas de débat possible au sein du groupe La République en marche, par exemple. " » Annie Chapelier : « Si on se limite à ce qui a pu se passer en interne dans La République en marche, le groupe pléthorique que nous étions a été la justification à ne pas permettre le débat. Alors que, généralement, le nombre permet d'apporter des atouts, apporte des expertises plus larges, apporte des avis différents. Et on ne cesse de répéter des phrases un peu creuses comme les différences nous enrichissent. Mais finalement, on n'a pas envie de s'enrichir. » Jérôme Cadet : « Vous racontez aussi dans votre livre le poids des lobbies. Est-ce que vous pouvez nous décrire concrètement comment ils interviennent dans le travail d'un député ? » Annie Chapelier : « Ils interviennent en nous approchant parfois. Très rapidement, ils identifient les parlementaires avec lesquels ils savent qu'ils ne pourront avoir de prise. »

« Il y a des groupes de lobbies qui travaillent dans le milieu de la santé »

Jérôme Cadet : « Vous avez été vous-même approchée ? Vous avez un exemple ? » Annie Chapelier : « Bien entendu, en début de mandat, par des grands groupes, par exemple, au niveau de la santé. Il y a eu le scandale Orpéa, par exemple. Mais ces grands groupes privés à but lucratif se sont rapprochés de l'ensemble des parlementaires. Il y a des groupes de lobbies qui travaillent dans le milieu de la santé et sur lesquels j'ai beaucoup travaillé. » Jérôme Cadet : « Mais c'est quoi ? Ce sont des documents qu'on vous remet, des notes, en vous disant : " Voilà, peut-être vous voulez des informations ? " ou ça va un peu plus loin ? » Annie Chapelier : « Écoutez, je ne dévoile absolument aucun secret. Ce sont des invitations à des repas où l'on parle d'un sujet en particulier avec des personnalités qui sont invitées, souvent rémunérées pour cela. Et ces groupes de lobbies, tout le monde en connaît le fonctionnement. Ils font partie intrinsèquement, finalement, de l'Assemblée nationale, que ce soit aux Affaires étrangères, que ce soit à la Défense, que ce soit aux Affaires sociales. »

« Nous ne sommes là plus que pour un décorum, pour un jeu de rôle »

Jérôme Cadet : « Et ça, ça ne vous contraint pas dans vos votes, Annie Chapelier, quand vous êtes à l'Assemblée ? » Annie Chapelier : « Ça ne nous contraint pas dans les votes, mais on sent bien que ce qui émane de ces groupes de lobbies, ainsi que des think tanks, qui sont extrêmement écoutés, amène à choisir la teneur des textes. Nous, les parlementaires, ne pouvons pas travailler sur les textes, ne pouvons pas modifier les textes, ne pouvons pas apporter quelque chose dans les textes. La machine ne fonctionne plus. Nous ne sommes là plus que pour un décorum, pour un jeu de rôle. » Jérôme Cadet : « Et vous avez le sentiment que ces textes ne sont pas écrits par des parlementaires ou par leurs équipes ? Les textes qui sont votés à l'Assemblée nationale ? » Annie Chapelier : « Mais ils ne sont jamais écrits par des parlementaires. » Jérôme Cadet : « Par qui alors ? » Annie Chapelier : « Ils sont écrits par les ministères, qui eux-mêmes les délèguent à leurs cabinets ministériels, qui eux-mêmes les font travailler par des cabinets de conseil, parfois, pas toujours. Et dans une succession ainsi de personnes, on se retrouve avec des textes qui ont pour objectif, un mot d'ordre qui est : " Surtout, ne changeons rien ou très peu pour donner l'illusion que nous changeons. " Sur les sujets majeurs qui sont du domaine de l'urgence, l'égalité homme-femme, la réforme constitutionnelle par exemple, ou l'environnement, les modifications sont toujours à la marge, quasiment du maquillage, et non plus réellement des changements en profondeur dont nous avons besoin et que réclament les Français. »



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