Comment Carrefour utilise l'argent du contribuable pour faire des économies de personnel ?

Enquête sur les Aides à l'Apprentissage : Profits et Polémiques

Ce jeudi 25 avril, "Complément d'enquête", le magazine de France 2, a diffusé un reportage qui se penche sur les milliards d'euros déployés par l'État pour la réforme de l'apprentissage. L'investigation pose une question centrale : À qui profitent réellement ces sommes colossales ? Le reportage suggère que certains acteurs, comme la chaîne de supermarchés Carrefour, pourraient tirer avantage de manière disproportionnée de ces subventions, en utilisant les fonds pour soutenir une main-d'œuvre bon marché.

Une Réforme Coûteuse

L'apprentissage en France est largement financé par les contribuables. Avec un investissement de 19,200 euros par apprenti chaque année, et un budget total dépassant les vingt milliards d'euros en 2023, cette dépense surpasse même celle allouée à l'enseignement supérieur. Instaurée sous l'égide du président Emmanuel Macron en 2018, la réforme visait à promouvoir l'apprentissage chez les jeunes, incluant désormais les bacheliers et les étudiants, dans l'espoir de combattre le chômage des jeunes. Autrefois sous la responsabilité des régions, ce sont désormais les fonds de l'État, sans limite de budget, qui assurent le financement de cette initiative décrite comme un "open bar" par plusieurs observateurs.

Le nombre record d'un million d'apprentis atteint en 2023 soulève une interrogation : quel en est le coût réel pour les finances publiques ? La Cour des comptes critique vivement ces dépenses. En outre, la crise du Covid-19 a entraîné une augmentation des aides destinées aux grandes entreprises, encouragée par le MEDEF, qui a initialement réclamé des primes de 10 000 euros pour chaque nouvel apprenti embauché, allégeant ainsi de manière significative le coût de l'apprentissage pour les employeurs. Finalement, une prime de 8 000 euros par apprenti a été accordée à tous les employeurs, offrant ainsi la possibilité à un grand nombre de grandes entreprises d'employer du personnel à très bas coût.

Les Conséquences dans les Grandes Enseignes

À la suite de ces annonces, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a déclaré sur RTL que l'entreprise devait jouer un rôle proactif pour soutenir la jeunesse affectée par la pandémie. En réaction à ces déclarations, Carrefour a initié une vaste campagne de recrutement d'apprentis. Pour en saisir les implications, Clément, un journaliste de France 2, s'est infiltré dans un hypermarché normand sous couverture d'apprenti, muni d'une caméra cachée.

Il découvre que dès son arrivée, les attentes envers lui sont immenses. À partir de 5 heures du matin, il est plongé au cœur de l'activité, au rayon des produits de grande consommation. Très vite, il est laissé à lui-même pour gérer un rayon entier, une pratique qui semble courante au sein de l'entreprise pour économiser sur les coûts de personnel. Les apprentis, malgré leur manque de formation, sont rapidement chargés des mêmes responsabilités que les employés permanents, mais pour un salaire considérablement inférieur.

Impact sur les Apprentis et Les Perspectives d'Emploi

Le document confidentiel obtenu par l'équipe de France 2 révèle que seulement 8% des apprentis chez Carrefour sont finalement embauchés en CDI, un taux bien inférieur à la moyenne sectorielle. Ce faible taux d'embauche post-apprentissage souligne une réalité inquiétante : bien que l'apprentissage soit présenté comme une voie vers l'emploi stable et la formation professionnelle, il sert parfois de moyen pour les grandes entreprises de bénéficier d'une main-d'œuvre bon marché, sans engagement à long terme.

Cette investigation de "Complément d'enquête" jette une lumière crue sur les dynamiques de l'apprentissage en France, interrogeant l'efficacité et l'équité des investissements massifs de l'État dans ce secteur. Alors que les entreprises comme Carrefour affirment soutenir la jeunesse, les faits exposés suggèrent une réalité plus complexe et moins altruiste.