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Publié le 11 avril 2021

Juan Branco sans détour: «On verse de l'argent pour endormir, pas pour protéger»

Juan Branco, avocat, était l'invité de l'émission «Les incorrectibles» diffusée sur Sud Radio ce dimanche 4 avril 2021.

«On verse de l'argent, pourquoi ? Pour endormir, pas pour protéger»

Juan Branco: «Il y a une partie des Français qui est complètement endormie par cette soviétisation délirante de l'économie. Délirante, encore une fois, parce que si à la limite, on avait des plans quinquennaux et qu'on se disait voilà, en fait tout cet argent, on va le mobiliser pour aller dans telle direction, ça va nous permettre de recréer la richesse, etc. Non, on est dans un système, où en fait, juste on verse de l'argent, pourquoi ? Pour endormir, pas pour protéger, encore une fois, les publics les plus fragiles, les plus précaires, les plus isolés qu'ils l'étaient avant la crise, ils restent exclus de ce dispositif là. Et par contre, ceux qui ont eu de la chance, comme moi en 2019, et bien là, on va avoir des sommes complètement délirantes que l'Etat ne devrait pas donner. A aucun moment, l'État devrait subvenir aux besoins de tels niveaux à des individus, c'est quelque chose qui est inacceptable et qui est franchement délirant.»

«Il y a une vraie orientation politique et idéologique dans le pouvoir actuel»

Eric Morillot: «Et l'Etat, c'est tous, on le rappelle.» Juan Branco: «Pour les connaître de près, les personnes qui nous gouvernent aujourd'hui, les personnes qui sont passées par les grandes écoles, mes camarades, en fait, de jeunesse, il y a ces institutions et il y a quelque chose de fascinant dans ces lieux là, c'est l'absence de conscience de la chance que l'on a. De la chance que l'on a, tout d'abord, déjà pour commencer, de pouvoir étudier. Donc, du coup, d'avoir du temps pour élaborer une pensée. Vous voyez, alors que la plupart des Français, à partir de 18 ans, 19 ans, 20 ans commencent à travailler, souvent à être exploités, à devoir cumuler un certain nombre de travaux précaires et ceux qui étaient déjà en difficulté avant la crise, qui se retrouvent encore plus écrasés qu'ils l'étaient auparavant. C'est ça qui est dramatique. Et c'est là où on voit qu'il y a une vraie orientation politique et idéologique dans le pouvoir actuel. Il y a des pouvoirs, par exemple, pour subvenir à la crise, qui ont décidé de donner la même somme à tous les citoyens de leur pays.»

«On a laissé de côté beaucoup de public qui n'avait pas accès aux dispositifs d'aide»

Juan Branco: «Vous voyez par exemple, aux Etats-Unis, entre les aides fédérales et les aides d'Etat des Etats fédérés, on pouvait arriver jusqu'à 2500 dollars par mois, mais tout le monde avait le droit à la même chose. Ce n'était pas proportionnel au revenu. Donc il n'y avait pas un maintien, voire un accroissement des inégalités. Donc, tout d'un coup, pendant quelques mois, pour quelques personnes, ça a été un soulagement énorme parce qu'ils ont pu rattraper la violence sociale qu'ils subissaient jusqu'alors. Et pour d'autres, qui gagnaient plus, ils ont découvert ce que c'est que de vivre avec moins et donc il y a une expérience, quelque part, d'altérité qui se fabrique là dedans. Nous, on a décidé de suivre les courbes de revenu et d'aider ceux qui étaient déjà quelque part aidés ou qui étaient déjà en position favorisée. Et on a laissé de côté beaucoup de public qui n'avait pas accès aux dispositifs d'aide et ainsi de suite. Ca c'est le premier problème. Le second problème, encore une fois, c'est évidemment l'accoutumance que l'on peut créer à cet état de dépendance, c'est-à-dire, on est dans un rapport passif à la fois à l'économie parce que l'on ne produit plus d'argent et au politique, on accepte les décisions qui viennent d'au-dessus et ça, c'est délétère pour la société, à terme, c'est délétère.»

«Il y a une précarité très importante dans une partie des étudiants»

Juan Branco: «Et moi, j'espère que cette jeunesse qui se rebelle, elle se rebelle avant tout parce qu'elle n'a pas le droit de faire, d'agir parce qu'elle considére qu'il faudrait qu'elle ait un État qui vienne à pourvoir à ses besoins sans contrepartie à tout moment. Il y a une précarité très importante dans une partie des étudiants, aujourd'hui extrêmement violente. Je ne comprends pas qu'il y ait pas eu de réactions plus vives face au files de personnes qui demandent de l'aide alimentaire, notamment dans Paris, mais aussi en province. Il y a une misère silencieuse qui concerne toutes les personnes qui étaient, par exemple intérimaires, qui se sont retrouvées dans une situation où elles n'ont plus d'emploi parce que tout l'appareil productif est paralysé. Encore une fois, on leur donne des aides, mais elles sont éligibles jusqu'à un certain point. Puis après, en fait plus grave l'anxiété du redémarrage quand les aides s'éteindront. Comment est-ce que l'on va faire quand l'usine aura fermé parce qu'entre temps, on aura été dépassé par les Chinois qui, eux, ont réactivé leur système économique ainsi de suite ? Et donc, en fait, face à tout ça, il n'y a aucune réponse politique.»



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