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Publié le 21 janvier 2021

L'Europe va-t-elle profiter du Covid pour imposer des réformes aux Français ?

Durant l'émission «24H Pujadas» de ce jeudi 21 janvier, le journaliste Baptiste Morin nous exposait un sujet brulant, celui des contreparties voulues par l'Union Européenne pour limiter les dépenses d'après crise.

«Mais ce que dit l'Europe, c'est que ce ne sera pas gratuit»

David Pujadas: «Bruxelles pourrait donc imposer des réformes à Paris ?» Baptiste Morin: «Oui, ça semble effectivement dans les tuyaux. Rappelez vous, la France, comme tous les États membres de l'Union, a besoin de ce plan de relance européen à 750 milliards d'euros. C'est un impératif. On en recevrait 40 milliards d'euros en France ce qui nous permettrait de financer 40 de notre plan de relance national qui monte à 100 milliards d'euros. Mais ce que dit l'Europe, c'est que ce ne sera pas gratuit ces 40 milliards. La Commission veut poser des conditions et c'est cet homme qui le dit : Valdis Dombrovskis, il est Letton et c'est le vice-président exécutif de la commission. Mardi dernier, après une réunion des ministres des Finances européens, voilà ce qu'il a dit : " Chacun des plans nationaux de relance doit trouver le bon équilibre entre investissements et réformes. La mise en œuvre de ces réformes est primordiale pour assurer une relance durable ainsi qu'une convergence entre les économies européennes. "»

«Relancer le dossier de la réforme des retraites»

Baptiste Morin: «En fait, chaque Etat doit présenter son plan de relance à Bruxelles et dans ce plan de relance, il faut qu'il y ait un volet investissements avec des objectifs chiffrés 37 % des dépenses pour le climat, 20 % pour le numérique Mais Bruxelles veut qu'il y ait aussi un volet réformes structurelles, comprenez des réformes qui font que, en temps normal, en rythme de croisière, les déficits ne se creusent pas dans les pays européens. Alors, pour la France, qu'est-ce que cela veut dire ? Ça veut dire d'abord relancer le dossier de la réforme des retraites. Celle-ci, vous savez, elle est suspendue pour l'instant et son sort est très incertain jusqu'à la fin du quinquennat. Ça veut dire aussi relancer la réforme de l'assurance chômage. Elle est aussi suspendue parce qu'elle fâche notamment beaucoup les partenaires sociaux. Et puis, ça veut dire aussi restaurer et relancer la réforme de l'Etat. Vous savez qu'Emmanuel Macron en avait fait la priorité de son quinquennat jusqu'ici, rien sur cette réforme.»

«Essayer justement qu'il y ait ces conditions»

David Pujadas: «Mais ces conditions mises sur la table par Bruxelles, elles viennent de sortir du chapeau ou on les connaissait ?» Baptiste Morin: «Non. On les connaissait mais on n'a pas voulu les voir. En tout cas, on n'en a pas parlé parce que lors des discussions, il y a eu des nombreuses négociations à Bruxelles, il y a quatre pays qui se sont manifesté pour peser et essayer justement qu'il y ait ces conditions, on les appelle les pays frugaux. Alors, de qui s'agit-il ? Et bien, on va aller voir sur cette carte. Vous avez les Pays-Bas, vous avez l'Autriche, vous avez la Suède et vous avez le Danemark. Ce sont ceux qui sont les partisans de l'orthodoxie budgétaire. En gros, ils ne veulent pas qu'il y ait trop de dépenses. Ils avaient très peur que eux, les fourmis européennes, se retrouvent à s'endetter pour que les cigales européennes, et notamment la France, se retrouvent à dépenser, la Finlande a rejoint ce groupe-là.»

«Mais en échange, il va falloir faire des efforts»

David Pujadas: «Parce que la Suède n'est pas dans la zone euro.» Baptiste Morin: «Non, mais elle fait partie de ces pays qui ont pesé à Bruxelles pour dire : " OK, d'accord, on peut donner de l'argent, mais en échange, il va falloir faire des efforts. "» David Pujadas: «Mais la France est vraiment un mauvais élève en matière de finances publiques, de déficit ?» Baptiste Morin: «Alors oui, et un chiffre vient d'être révélé. La France est le pays en 2020 qui s'est le plus endetté. Si vous prenez l'endettement public et privé, ça représente 13 % de notre PIB sur l'année 2020. Ça nous place juste devant les Pays-Bas, l'un des pays frugaux 12,9 %, devant l'Espagne 10 %, devant l'Allemagne 9 % et devant l'Italie 8 %. La France est l'un des pays les plus endettés depuis des années. Ça, vous le savez.»

«Bruno Le Maire, qui a fait le forcing au sujet de la réforme des retraites»

David Pujadas: «Le gouvernement a-t-il réagi à ces déclarations à Bruxelles ?» Baptiste Morin: «Pour l'instant, non, parce que ce sont des échanges à fleurets mouchetés, mais il y a peut-être une petite inflexion. Regardez cette interview donnée par Olivier Dussopt dans les colonnes des Échos. Le ministre délégué chargé des Comptes publics a l'air d'orienter une petite inflexion du gouvernement. Voilà ce qu'il dit : " Si 2021, marquera la fin de la crise et de la pandémie, comme tout le monde l'espère, il faut que 2021 marque la sortie du " quoi qu'il en coûte ", et il ajoute : " Le niveau de dépenses que nous connaissons aujourd'hui, il n'est pas soutenable dans le temps " . Alors, est-ce qu'il s'agit d'un changement de ligne ou d'une tentative pour rassurer Bruxelles ? Souvenez-vous que ces derniers jours, on a vu un autre ministre parler beaucoup d'un sujet en particulier, Bruno Le Maire, qui a fait le forcing au sujet de la réforme des retraites.»



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