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Publié le 14 novembre 2022

Quand Bolloré veut faire taire les médias : un ex-salarié de Canal+ nous raconte !

Quand le journalisme se heurte à la censure

En avril 2018, Jean-Baptiste Rivoire, autrefois journaliste chez Canal+, s'est exprimé sur le plateau de "L'entretien" de Mediapart. Ce dernier, ayant par la suite fondé "Off Investigation", un média indépendant, nous livre un témoignage inquiétant sur les coulisses de Canal+.

Jean-Baptiste Rivoire revient sur un épisode particulier: un reportage sur le Togo qui a été censuré par la chaîne, probablement pour protéger les intérêts de Vincent Bolloré, l'actionnaire du groupe Canal+. L'émission "L'effet Papillon" avait diffusé ce reportage le 15 octobre 2017, une simple plongée dans les rues togolaises, exposant la frustration du peuple face à leur régime. Mais après sa première diffusion, des instructions strictes ont été émises au sein de Canal+ pour éviter toute rediffusion.

Des conséquences inattendues pour un simple reportage

Quelques semaines plus tard, par inadvertance, le sujet a été rediffusé sur Canal Afrique, entraînant l'ire de Vincent Bolloré ainsi que des dirigeants togolais. Suite à cet incident, plusieurs cadres de Canal+ ont été licenciés. Le comble de cette histoire? Quelques semaines plus tard, Canal+ diffusait un publireportage vantant la "stabilité politique du Togo", sans crédit ni signature. Un contraste saisissant avec le contenu initial du reportage.

Jean-Baptiste Rivoire qualifie ce publireportage d'"incroyable", se demandant comment un tel contenu peut être diffusé clandestinement sur une chaîne nationale. Pour lui, c'est de la propagande pure et simple. La situation montre, selon ses mots, que "l'actionnaire a le pouvoir sur n'importe quelle enquête, à n'importe quel moment". L'atmosphère chez Canal+ semble alors être devenue lourde, dominée par la surveillance et la crainte.

L'influence des "Bolloré boys"

"Maxime Saada et Jean-Christophe Thiery, surnommés les "Bolloré boys", sont des proches collaborateurs de Bolloré, placés aux postes clés. Leur rôle, selon Jean-Baptiste Rivoire, a été d'instaurer un système qui verrouille l'entreprise, faisant ainsi régner une atmosphère de peur. Les juristes de Canal+, craignant les réprimandes de l'entité anciennement appelée CSA, aujourd'hui Arcom, sont souvent dans l'expectative. Ce qui est alarmant, c'est que malgré ces pratiques évidentes qui enfreint la liberté éditoriale, l'Arcom semble rester en retrait.

La complaisance des gouvernements

Jean-Baptiste Rivoire dénonce également la complaisance des gouvernements, sous Hollande comme sous Macron, vis-à-vis des agissements de Bolloré. Selon lui, le magnat des médias profite de sa position privilégiée, ayant hérité d'une grande fortune familiale, pour bafouer la liberté éditoriale et ainsi façonner la narration à sa guise.

L'absence de limites semble être le principal problème avec Bolloré, selon Jean-Baptiste Rivoire. Il le compare à un enfant de 5 ans, qui, sans barrières claires, ne sait pas jusqu'où il peut aller. La question reste ouverte sur les raisons pour lesquelles personne n'a semblé résister à Bolloré tout au long de sa carrière.

Un avenir incertain pour le journalisme

À travers le témoignage de Jean-Baptiste Rivoire, on perçoit le problème de la concentration des médias entre les mains d'un petit nombre d'industriels. Ce genre de censure, qu'elle soit flagrante ou insidieuse, constitue un risque direct pour la démocratie. Il reste à espérer que d'autres acteurs du monde médiatique se lèveront pour défendre la liberté d'expression, et que la situation décrite par Rivoire ne sera pas le standard de demain.



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