SOCIAL

Publié le 14 septembre 2023

« Recevoir des aides ne diminue pas la volonté de travailler » Esther Duflo

Déconstruire les mythes sur la pauvreté

Esther Duflo, lauréate du prix Nobel d'économie en 2019, s'est entretenue avec la journaliste Salomé Saqué lors d'un entretien diffusé sur le média indépendant "Blast". Au cœur de la discussion, le discours politique selon lequel les individus défavorisés pourraient être en partie responsables de leur situation précaire. Cette mentalité, selon Esther Duflo, trouve ses racines dans des idées profondément enracinées, remontant à l'ère victorienne, où prévalait la croyance que les bénéficiaires de l'aide sociale pourraient en abuser.

La réalité vs les idées préconçues

Salomé Saqué interroge ensuite sur la rationalité de ces croyances. Est-il réel que des programmes sociaux généreux dissuadent les individus de travailler ? Esther Duflo est catégorique. Les études réalisées dans différents contextes, qu'ils soient dans des pays riches ou pauvres, démontrent qu'il n'y a pas de lien direct entre une aide sociale généreuse et une baisse de l'envie ou de la capacité de travailler.

Pour étayer ses propos, Esther Duflo évoque des exemples concrets. Le premier est le système mis en place au Mexique, où des transferts sociaux sont accordés aux familles si elles envoient leurs enfants à l'école ou leur donnent accès à des soins de santé. Une évaluation de ce système n'a montré aucune différence d'activité professionnelle entre les bénéficiaires et les non-bénéficiaires.

Le cas des pays riches

Le débat ne se limite pas aux pays en développement. Même dans des pays plus aisés, la notion selon laquelle l'aide sociale peut être une entrave à l'emploi est remise en question. L'exemple de l'Alaska est frappant. Ici, les résidents reçoivent un revenu provenant des royalties du pétrole, mais cela n'influence en rien leur désir ou leur capacité à travailler. De même, dans les réservations indiennes où les habitants profitent des recettes des casinos, aucun effet sur la volonté de travailler n'a été constaté.

Contre toute attente, l'effet pourrait même être inverse. Esther Duflo mentionne que, dans certains cas, offrir un soutien financier à des individus extrêmement pauvres peut les inciter à travailler davantage. Ces transferts peuvent servir de tremplin, permettant aux bénéficiaires de sortir de la spirale négative de la pauvreté et de retrouver un élan positif.

Repenser nos programmes sociaux

Si les études avaient montré que les programmes sociaux étaient réellement dissuasifs pour l'emploi, Esther Duflo admet qu'elle serait prête à reconnaître un compromis nécessaire entre générosité et incitation au travail. Toutefois, face à l'absence de telles preuves, elle plaide pour une refonte des systèmes d'aide sociale, libérés des mythes et stéréotypes qui les entourent actuellement.



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