ENVIRONNEMENT

Publié le 14 mai 2022

L'alerte d'un astrophysicien : « Ce que nous cherchons à faire aujourd'hui, c'est à exterminer la vie »

L'astrophysicien Aurélien Barrau était l'invité de l'émission « La Terre au carré » diffusée ce lundi 9 mai 2022 sur France Inter.

« Les politiques n'ont même pas essayé »

Mathieu Vidard : « Les politiques habituelles qui existent n'ont rien donné, si on vous lit. Vous ne croyez pas à la force des réseaux sociaux, ni même, dites-vous, aux livres pour renverser la tendance. Alors, qu'est-ce qui nous manque ? Qu'est-ce qu'on fait exactement ? » Aurélien Barrau : « Oui, enfin, en ce qui concerne les politiques, ils n'ont même pas essayé. Donc c'est un peu normal qu'ils n'aient pas réussi. De ce point de vue là, on ne peut pas les dédouaner, quand même. Moi, je crois que, quand on se demande, et on me l'a demandé souvent, quelle est l'action urgente à faire, c'est déjà une mauvaise question, parce qu'on est encore dans une logique effectivement d'agir. Il faut impacter notre environnement, mais comme on est gentil, on voudrait l'impacter positivement.

« Ce qu'on appelle : " croissance ", c'est essentiellement de détruire un espace gorgé de vie et de le remplacer par un parking de supermarché »

Aurélien Barrau : « Non, ce n'est pas ça, la question. La question, c'est précisément de se demander où on veut aller. Actuellement, ce qu'on appelle : " croissance ", c'est essentiellement de détruire un espace gorgé de vie et de le remplacer par un parking de supermarché. Ça, c'est, littéralement parlant, de la croissance. Si on le fait avec de l'énergie solaire, avec de l'énergie nucléaire ou avec de l'énergie éolienne, ça ne change rien. À la fin, on a effectivement détruit une forêt pour construire un espace bétonné. À la fin, la vie est morte. Ce qui est important, donc, ce n'est pas de chercher à comprendre comment diminuer les externalités négatives – en l'occurrence les émissions de CO2 –, c'est de se demander si on souhaite effectivement éradiquer la forêt pour construire un supermarché. C'est ça, la question fondamentale. Et ça, c'est une question axiologique. C'est-à-dire, c'est une question de valeurs. »

« Ce que nous cherchons à faire aujourd'hui, c'est à exterminer la vie »

Aurélien Barrau : « Et je crois que ce que nous pourrions faire d'extraordinairement plus efficace que de tenter, effectivement, d'acheter une voiture électrique qui va polluer peut-être 10% de moins que celle que nous avons aujourd'hui, c'est de nous demander pourquoi nous le faisons, de travailler les enjeux, les desseins, les destinations, et pas seulement les moyens d'atteindre les mêmes destinations. » Mathieu Vidard : « Donc plus qu'agir, c'est penser, c'est réfléchir, au fond, à nos façons de vivre, à nos modes de vie. » Aurélien Barrau : « Penser, c'est agir. Aujourd'hui, si vous voulez, l'activité politique consiste à essayer de faire la même chose en polluant un peu moins. Ça n'a absolument aucun intérêt, parce que ce que nous cherchons à faire aujourd'hui, c'est à exterminer la vie. Aujourd'hui, la vie est considérée comme une ressource. Or, les ressources, on les utilise et on les use. Si on ne change pas de destination, le moyen par lequel on y arrive n'a aucune importance. »



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