POLITIQUE

Publié le 18 juillet 2022

« Cette entreprise est infiltrée au cœur de l'État » cette eurodéputée explique comment les lobbies agissent comme le cheval de Troie

Manon Aubry était l'invitée de l'émission « Le 9h-12h » diffusée sur LCI ce lundi 11 juillet 2022.

« Uber est infiltré au cœur de l'État »

Manon Aubry : « On a une entreprise, Uber, qui est infiltrée au cœur de l'État et qui dicte sa loi. Rien que ça, ça suffit non seulement à ouvrir une commission d'enquête, mais à dire précisément que c'est un scandale d'État. » Marie-Aline Méliyi : « Mais est-ce qu'elle dicte sa loi, puisque Emmanuel Macron et le PDG de Uber, partagent une vision du marché et de l'économie !? » Manon Aubry : « Oui, mais vous voyez bien qu'Emmanuel Macron œuvre pour être le relai direct de Uber. Et qu'il utilise pour cela tous les moyens qui sont à sa disposition, y compris en utilisant des députés à l'Assemblée nationale qui vont déposer des amendements qui permettent d'amorcer le débat et qui lui permettent ensuite de légiférer par décrets. Les compétences que s'est arrogé aussi Emmanuel Macron dans ce dossier posent question. Ça ne faisait même pas partie, forcément et nécessairement des compétences qu'il avait en tant que ministre de l'Economie. Et moi, ce qui me pose problème, c'est quelque part deux choses distinctes, mais qui nourrissent un problème politique plus général. La première, c'est que c'est utilisé et je crois que c'est une forme de cheval de Troie pour déréguler plus globalement le marché du droit du travail. »

« Des économistes qui se font le relais direct de l'entreprise Uber »

Manon Aubry : « Uber, on l'oublie trop souvent, mais c'est aujourd'hui un droit du travail parallèle pour des dizaines, des centaines de milliers de personnes, ce modèle là en France, pour lesquels le droit du travail n'est pas le même, qui n'ont pas la même protection sociale, qui n'ont pas les mêmes droits. Et des droits, qui, dans sa vision politique et économique devraient être étendus. Et le deuxième problème majeur que cela pose, à mon sens, c'est vraiment cette collusion entre les intérêts privés et les intérêts politiques. Le fait que l'on a des lobbies qui ont aujourd'hui un pouvoir immense. Jusqu'à utiliser, on n'en a pas encore parlé dans ce volet de l'affaire, mais des économistes qui se font le relais direct de l'entreprise Uber. Et on l'a vu aussi, on est en train de légiférer en ce moment au niveau européen sur une directive où là la France a freiné des quatre fers pour donner un statut protecteur aux travailleurs des plateformes ubérisées. » Marie-Aline Méliyi : « Mais Manon Aubry, est-ce un problème et après je vous laisse la parole Bastien Augier. Est-ce un problème de forme ou un problème de fond ? Parce qu’est-ce que vous réagiriez de la même manière si c'était une ONG en faveur de l'environnement qui viendrait vous interpeller et vous dire : " Manon Aubry, moi, j'ai des éléments de langage pour que vous défendiez des amendements. " Le lobbyisme c'est de tous les côtés. »

« Quand Uber va voir des députés et fait adopter des amendements, c'est le bénéfice de Uber qui augmente »

Manon Aubry : « Il se trouve que moi j'ai travaillé pour une ONG avant d'être élue. J'ai travaillé pour l'ONG Oxfam. Il y a une différence fondamentale. Quand une ONG comme Oxfam va voir des élus et leur dit : agissez contre l'évasion fiscale. Qu'est-ce que gagne Oxfam à ce que des amendements soient adoptés contre l'évasion fiscale ? Individuellement, ils ne gagnent rien. Moi, quand je travaillais à Oxfam, mon salaire n'était pas augmenté. » Marie-Aline Méliyi : « Vous gagnez un combat idéologique, pas un combat financier. » Manon Aubry : « Un combat qui est politique, mais pour l'intérêt général puisqu'il n'y a pas d'intérêts particuliers qui sont liés. Quand Uber va voir des députés et fait adopter des amendements, c'est le bénéfice de Uber qui augmente et d'ailleurs il a sensiblement augmenté ces dernières années. Voilà toute la différence. » Marie-Aline Méliyi : « Mais le président, il pourrait vous répondre : " Moi, ce qui est intéressant pour moi quand je soutiens Uber, c'est de trouver du travail à des jeunes qui sont peu qualifiés et qui justement parfois se tournent vers un marché illégal. " »

« Emmanuel Macron, un président des lobbies »

Manon Aubry : « Mais quel type de travail ? Est-ce que le modèle économique pour nos jeunes est de leur donner un emploi dans lequel ils sont largement exploités, dans lequel ils sont précarisés, dans lequel ils n'ont pas de protection sociale, dans lequel ils n'ont pas de retraite ? Est-ce que c'est ça le modèle économique que nous voulons donner aux jeunes de notre pays ? Je ne crois pas. Et en tout cas, c'est un choix politique, vous avez raison, que fait Emmanuel Macron. Mais c'est aussi un problème sur la méthode. Parce que, de nouveau pour revenir à la différence avec l'ONG, c'est que l'ONG elle va le faire en toute transparence. Moi, quand je travaillais pour l'ONG Oxfam et que j'allais voir des députés, je leur disais : " Voilà, défendez ces amendements. " Je les rendais publics, je rendais publics mes rendez-vous. C'est toute la différence avec l'activité de lobbying qui gangrène aujourd'hui notre société, qui gangrène la politique et qui fait qu'à la fin les gens se désintéressent de la politique, ils se disent : " On n'a pas un ministre de l'Economie face à nous, on a un ministre des lobbies. " Voilà ce qu'est Emmanuel Macron, un ministre des lobbies et maintenant un président des lobbies. Voilà pourquoi je pense que démocratiquement, c'est un danger. »



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