SANTÉ

Publié le 31 mai 2022

« Nous sommes sur le Titanic » : Le patron de l'APHP se fait remonter les bretelles

Martin Hirsch, directeur de l'APHP de Paris, était l'invité de l'émission « Le grand entretien » diffusée sur France Inter ce lundi 30 mai 2022.

« Pourquoi y a-t-il autant d'intérimaires ? »

Jehane (médecin) : « Merci de nous donner la parole, les soignants. Je suis révoltée par ce que j'entends. Évidemment Monsieur Hirsch nous a envoyé des flyers dans notre fiche de paye pour le droit de réserve : " N'oubliez pas le droit de réserve ". » Martin Hirsch : « Vous plaisantez ! » Jehane (médecin) : « En fait, le droit de réserve met en péril le serment d'Hippocrate quotidiennement, on est obligé de parler. La question est : les intérimaires ont été créés par l'AP-HP. 41 % de la masse salariale de l'AP-HP médicale est contractuelle, comme moi : ça fait trois ans que je suis contractuelle sans aucune titularisation en vue. On est super-qualifiés. C'est pareil pour les infirmières, les aides-soignantes, tout le personnel médical. La question est de savoir : pourquoi y a-t-il autant d'intérimaires ? Parce que les conditions, en fait, n'attirent plus personne. Les conditions d'exercice n'attirent plus personne et, entre autres, le salaire, évidemment. Donc ça sert à rien de payer trois fois des intérimaires, alors que nous avons des infirmières et des aides-soignantes extrêmement qualifiées et des médecins extrêmement qualifiés et experts. »

« Tout le monde quitte le navire, c'est un naufrage, nous sommes sur le Titanic »

Jehane (médecin) : « Il faut revaloriser les salaires, il n'y a pas de discussion là-dessus, en fait. Voilà pourquoi les gens ne viennent pas. Et toutes ces stagiaires qu'on va embaucher cet été, eh bien toutes ces stagiaires ne resteront pas à l'AP-HP. Parce qu'en fait elles passent en stage, elles voient comment ça se passe, et elles partent après. Elles feront leurs 18 mois pour gagner leurs 9000 balles et après elles vont partir. C'est ça qui va se passer. » Léa Salamé : « Mais il y a eu, Madame, il y a eu des revalorisations avec les trois plans hôpitaux ces dernières années, notamment le Ségur qui avait prévu 10 milliards d'euros de hausses de salaire pérennes et 19 milliards d'investissements étalés sur plusieurs années. Pour vous, c'est insuffisant ? » Jehane (médecin) : « 19 milliards sur dix ans, madame Salamé, les faits sont têtus. » Léa Salamé : « Oui, oui. » Jehane (médecin) : « Tout le monde quitte le navire, c'est un naufrage, nous sommes sur le Titanic, donc ce n'est pas suffisant. Force est de constater que ce n'est pas suffisant. » Martin Hirsch : « Oui, oui, donc ce que vous dites, en fait, parce que c'est vrai que vous, vous vivez les situations de manière très dure, les infirmiers, et on l'entend. »

« Je suis en CDD depuis trois ans. Est-ce que ça vous semble normal ? »

Martin Hirsch : « Mais pour l'opinion publique, on entend qu'il y a des milliards qui ont été mis quand même sur la table, il y a pas zéro euro qui a été mis. Vous dites : " C'est pas suffisant, c'est du rafistolage. " » Jehane (médecin) : « Oui, et donc on est des pleurnicheurs. Juste pour correction, je suis médecin en fait à l'AP-HP, j'ai fait seize ans d'études, j'ai deux thèses, je suis en CDD depuis trois ans. Est-ce que ça vous semble normal ? Je pense que non. La réponse est non. » Martin Hirsch : « On va vous répondre. » Léa Salamé : « Martin Hirsch va vous répondre. » Jehane (médecin) : « Je n'ai pas le droit à la prime d'engagement collectif parce que je suis contractuelle, comme 41 % des médecins. Est-ce que c'est normal ? » Nicolas Demorand : « Martin Hirsch va vous répondre, Jehane. Naufrage, Titanic, sont certains des mots très forts qu'elle vient d'employer. Martin Hirsch. »

« Pour l'instant, elle n'a pas eu un poste fixe »

Martin Hirsch : « Ce médecin est aujourd'hui dans une situation à l'hôpital Saint-Louis où on lui a proposé un contrat temporaire, pas du tout d'intérimaire, mais d'une année, après avoir passé une année à la Pitié pendant qu'un autre médecin était, je crois, aux États-Unis. Et en lui disant : " Pour l'instant, on vous propose le remplacement, et postulez sur des postes fixes. " Pour l'instant, elle n'a pas eu un poste fixe. Je pense qu'elle a toutes les qualités pour l'avoir et j'espère qu'elle l'aura un jour. » Léa Salamé : « 16 ans d'études, c'est vrai que ça s'entend. 16 ans d'études et pas de poste fixe, on peut comprendre sa colère. » Martin Hirsch : « Oui, oui, mais je pense qu'elle pourrait avoir un poste fixe dans un autre hôpital ou dans un autre service. Évidemment, elle choisit d'être dans ce service où elle a fait un remplacement de longue durée. »



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