SANTÉ

Publié le 24 septembre 2023

Manque critique de médicaments : comment a-t-on pu en arriver là ?

La hausse alarmante des ruptures de stock

En France, la pénurie de médicaments essentiels est devenue un enjeu majeur. Alors que les signalements de ruptures ou risques ont dépassé les 3 700 cas en 2022, cette situation est loin d'être isolée à l'échelle mondiale. Les conséquences se font sentir à travers divers secteurs médicaux, depuis les traitements anticancéreux jusqu'aux produits basiques comme les collyres.

L'instabilité géopolitique, comme les évènements survenus en Ukraine, a eu des répercussions sur la chaîne d'approvisionnement, notamment à cause de la dépendance de l'industrie pharmaceutique envers certains composants ukrainiens. De plus, l'augmentation de la demande mondiale, particulièrement dans des pays émergents comme la Chine, complique la situation, provoquant des ruptures d'approvisionnement.

Changement de la logistique pharmaceutique

Florence Faure, ayant une expérience de trente ans chez Sanofi, évoque le déclin des « usines back up », qui autrefois garantissaient un approvisionnement continu. Les problèmes avec une molécule peuvent désormais mener à une crise sans solution immédiate.

Les pièges de la délocalisation

La production de principes actifs, éléments clés des médicaments, a été largement délocalisée en quête de rentabilité. L'Inde et la Chine dominent désormais ce secteur, fournissant 80% de ces composants. Cette centralisation engendre une dépendance risquée, comme le souligne la journaliste Rozenn Le Saint en rappelant les restrictions d'exportations imposées par ces pays lors de crises sanitaires.

Certains médicaments ne sont plus fabriqués que par une seule firme, rendant la chaîne de production extrêmement fragile. L'exemple du Bélatacept, essentiel pour les greffes rénales, illustre parfaitement cette précarité.

Le modèle économique revisité

La stratégie des laboratoires pharmaceutiques a évolué, passant d'une production de masse (« blockbuster ») à une cible de niche, avec des médicaments rares mais coûteux. Cette transition a également affecté la production de génériques, perçue comme moins lucrative.

L'inflation des tarifs

Alors que les prix des médicaments innovants grimpent en flèche, les médicaments essentiels et abordables sont souvent en pénurie. La fixation des prix, autrefois sous la régulation de l'État, est désormais le résultat de négociations, conduisant parfois à des tarifs irréalistes.

Les entreprises pharmaceutiques bénéficient considérablement des fonds publics, que ce soit via des crédits d'impôt ou des aides directes. Cependant, leur transparence et responsabilité envers la société reste un sujet de débat.

Vers une solution nationale ?

L'exécutif français a pris des mesures pour pallier ces pénuries, notamment en encourageant la relocalisation de certaines productions. Cependant, les critiques soulignent que ces efforts pourraient n'être qu'une façade, et ne pas résoudre le cœur du problème.

Le lobby pharmaceutique sous les projecteurs

Des décisions récentes, comme l'augmentation du prix de l'amoxicilline, ont été prises en consultation avec des représentants de l'industrie. Ce lien étroit entre l'État et le secteur privé suscite des inquiétudes quant à l'indépendance des politiques de santé.

Des mécanismes existent pour permettre à l'État d'intervenir directement dans la production de médicaments. Cependant, malgré les crises actuelles, ils restent largement inutilisés. L'idée d'un pôle public du médicament gagne du terrain, mais sa mise en œuvre nécessitera un engagement politique fort.



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