SANTÉ

Publié le 04 septembre 2024

Quand la science redonne vie au virus cousin d'une des pires maladies de l'histoire


INFORMATION

La biologie de synthèse : recréer pour comprendre

En 2019, lors de l'émission « Le Mag de la Science », la journaliste scientifique Elsa Abdoun a soulevé une question aussi fascinante qu'inquiétante : si nous avions la capacité de recréer un virus éradiqué, le ferions-nous ? Cette interrogation, qui peut sembler purement hypothétique à première vue, est en réalité d'une actualité brûlante et ouvre un débat éthique et scientifique complexe. La réponse, loin d'être simple, plonge au cœur des avancées de la biologie de synthèse et de la manière dont la science aborde la frontière entre vie et mort, santé et maladie.

Jérôme Bonaldi, le présentateur de l’émission, a rappelé le bilan dramatique de la variole, une maladie qui a tué 300 millions de personnes avant son éradication officielle en 1980. Pourtant, alors que l’humanité a triomphé de ce fléau, Elsa Abdoun a révélé une information choquante : un cousin du virus de la variole a été recréé en laboratoire. Cette prouesse scientifique, permise par la biologie de synthèse, soulève des questions fondamentales sur les risques et les bénéfices potentiels de ressusciter un virus disparu. Il n'est même pas exclu que, dans un futur proche, le virus de la variole lui-même puisse être recréé.

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La science du tricot moléculaire

Mais comment est-il possible de redonner vie à des entités biologiques disparues, comme le virus de la variole ? La réponse réside dans la biologie de synthèse, une discipline en plein essor qui permet de manipuler l'ADN comme un fil de tricot, en assemblant les bases moléculaires (adénine, thymine, guanine et cytosine) dans l'ordre souhaité. Elsa Abdoun a décrit avec précision comment les scientifiques peuvent, grâce à cette technique, recréer des séquences génétiques d'organismes dont les génomes sont déjà connus.

Cette avancée technologique ne se limite pas à la variole. Des souches virales complexes comme la dengue, le VIH ou encore la poliomyélite ont déjà été synthétisées en laboratoire. Une fois l'ADN viral assemblé et inséré dans une cellule, il agit comme un virus naturel : il se multiplie, infecte d’autres cellules et, en somme, devient fonctionnel. Ce procédé, à la frontière entre l'innovation et l'inquiétude, ouvre la porte à la recréation potentielle d’autres organismes éradiqués. Mais cette avancée pose la question : devons-nous réellement aller aussi loin ?

Risques et réalités

La biologie de synthèse, bien qu'elle permette des découvertes révolutionnaires, n'est pas sans risques. Le virus de la variole, même éradiqué, est encore conservé dans deux laboratoires hautement sécurisés situés en Russie et aux États-Unis. Pourtant, comme le rappelle Elsa Abdoun, avec les progrès de la biologie synthétique, un cousin de la variole a été recréé pour un coût relativement faible de 100 000 dollars. Ce qui est plus préoccupant encore, c’est que les séquences génétiques de la variole, comme celles de bien d’autres virus, sont accessibles en ligne. Cela signifie que, théoriquement, une recréation par des acteurs malveillants pourrait être envisageable.

Le fait que la variole soit toujours présente sous forme synthétique et que sa séquence soit disponible publiquement soulève des préoccupations majeures en matière de sécurité biologique. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’une question de risque. Elsa Abdoun explique que, paradoxalement, la conservation et la recréation du virus pourraient être essentielles à notre protection future. En effet, si un jour la variole venait à resurgir, que ce soit sous forme naturelle ou synthétique, la capacité à la recréer pourrait aider à développer des traitements et des vaccins plus rapidement.

Un débat sans fin

Face à ces enjeux, Jérôme Bonaldi a souligné la complexité morale de la situation. Recréer un virus mortel pour mieux se préparer à le combattre semble être une logique qui défie les principes de précaution. Pourtant, cette approche symbolise l’ambivalence de la science : d’un côté, elle apporte des solutions inestimables aux défis sanitaires, mais de l'autre, elle ouvre des voies à des risques nouveaux. La biologie de synthèse, en permettant à l'humanité de maîtriser les secrets du vivant, soulève inévitablement des questions éthiques profondes.

Devons-nous recréer des virus disparus pour mieux les comprendre et anticiper leurs résurgences ? Ou devons-nous au contraire enterrer définitivement ces fléaux du passé ? Le débat est loin d’être tranché. Ce qui est certain, c’est que la science avance à une vitesse vertigineuse, parfois plus vite que la réflexion éthique qui l'accompagne. Les progrès dans la biologie de synthèse ouvrent des perspectives fascinantes, mais nécessitent également une vigilance accrue face aux potentiels dangers qu’ils comportent.

Entre promesse et péril

La biologie de synthèse représente à la fois une promesse et un péril. Elle offre des outils puissants pour comprendre, recréer et peut-être mieux combattre des maladies que l'humanité a connues dans le passé. Toutefois, elle nous place également face à des dilemmes moraux et des risques sécuritaires inédits. Recréer pour comprendre est une démarche scientifique essentielle, mais elle doit toujours être accompagnée d'une réflexion sur les conséquences potentielles de ces actions.

Le cas de la variole illustre parfaitement cette dualité : recréer un virus pour mieux s'en prémunir ou risquer d'en réveiller les démons. Cette question reste ouverte, et les choix faits par la communauté scientifique et les autorités dans les années à venir détermineront non seulement l’avenir de la recherche en biologie de synthèse, mais aussi celui de la santé publique mondiale.

Par Tony Houdeville


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